Air

Depuis une quinzaine d’année, la stratégie analytique du groupe « Qualité de l’air » à l’IGE s’est développée autour de la mise en place de moyens de caractérisation physico-chimiques de prélèvements sur filtres des aérosols atmosphériques.
Ces filtres permettent de collecter les particules atmosphériques (les « PM »), qui prouvent avoir un impact sur la santé, l’environnement, ou encore le climat. Les normes de qualité de l’air distinguent plusieurs populations de particules atmosphériques en particulier les PM10 (diamètre inférieur à 10µm) et les PM2,5 (diamètre inférieur à 2,5µm, 75% des PM10 en masse) qui sont donc incluent dans les PM10.
Afin de quantifier les sources de particules dans les situations de pollutions, les recherches sur la qualité de l’air utilisent des indicateurs de ces sources, qui peuvent être des traceurs chimiques s’ils sont suffisamment spécifiques.
Une part importante du travail de recherche dans le groupe est donc de développer nos capacités de mesurer sur un même échantillon les paramètres chimiques qui nous permettent de bien caractériser et quantifier les principales sources d’émissions et les grands processus de transformation des particules dans l’atmosphère. Le schéma ci-dessous montre les différentes analyses possibles à l’heure actuelle :

Un poinçon de 1 ou 1.5cm² directement utilisé pour l’analyse EC-OC sans aucune autre préparation
Pour les autres analyses, le poinçon placé dans un tube d’extraction contenant de l’eau ultra-pure est soumis a une agitation puis filtré.

Echantillonnage

L’équipe utilise fréquemment des collecteurs d’atmosphère ambiant haut débit pour la mesure de la concentration massique, et de la composition chimique / microbiologique des aérosols. Les composés mesurés sont présents à faible concentration dans les milieux naturels, parfois non mesurables par méthodes analytiques directes implantées sur le terrain et nécessitent ainsi une pré-concentration préalable sur filtres, avant analyses ultérieures en laboratoire. L’échantillonneur est généralement composé d’une tête de prélèvement, qui permet de sélectionner une ou plusieurs granulométries, d’un porte-filtre renfermant le média filtrant (filtre), d’un dispositif de mesure du débit et d’un système de pompage.

Caractérisation des espèces chimiques majeures au bilan de masse des particules (Responsables Jean-Luc Jaffrezo, Didier Voisin)
Il s’agit de réaliser la quantification des espèces chimiques majeures au bilan de masse des particules : espèces ioniques, carbone élémentaire et carbone organique

OC EC (Sunset Laboratory) permet la caractérisation avec une méthode thermo-optique de la matière carbonée (Carbone Organique (OC) et Carbone Elémentaire (EC) dans des échantillons solides (filtres).
• Les espèces ioniques sont mesurées par ionisation chimique sur un appareillage HPLC-IC (ICS 3000 Dionex).
• L’analyseur TOC (Total Organic Carbon Analyzer) (VsCH de Shimadzu) permet de mesurer le carbone organique soluble (DOC) qui représente généralement de l’ordre de 50% de la matière carbonée
• Avec ce même analyseur, et après séparation en HPLC-UV, on peut quantifier les HULIS} (HUmic-LIke Substances) qui représentent généralement de l’ordre de 10 à 40% du carbone organique.

Analyse des marqueurs de sources (Responsables Jean-Luc Jaffrezo, Véronique Jacob, Stephan Houdier)

Il s’agit de réaliser la quantification d’espèces moléculaires traceurs de sources d’émission : sucres et alcools de sucres caractéristiques de la combustion de biomasse et des émissions biogéniques ; acides organiques issus de processus d’évolution chimiques ; espèces issues des combustions comme les HAP, etc …

•Certains des sucres contenus dans les échantillons atmosphériques sont des bons marqueurs de la combustion de la biomasse, tel le levoglucosan, qui est un produit de dégradation de la cellulose par pyrolyse. Ils sont analysés par HPLC-PAD (ICS 5000+ Dionex).
•Les polyols (arabitol, mannitol, …) sont des marqueurs de l’activité biogénique des champignons microscopiques se trouvant dans les sols ou sur les végétaux. Ils sont aussi analysés par HPLC-PAD (ICS 5000+ Dionex)
Ces deux séries de molécules seront prochainement analysées par HPLC-MSMS (QTrap 5500 Sciex)
•Les acides organiques à chaines de carbone courtes (C<8), sont des espèces réactives qui peuvent être des marqueurs d’activités biogéniques ou anthropiques. Ces acides peuvent résulter d’émissions directes, mais sont généralement formés lors de réactions chimiques dans l’atmosphère ou les nuages (processus de formation secondaires). Ils sont analysés par HPLC-LCMS (LCQ Fleet de Thermo Scientific).
•Les HAP sont analysés par HPLC-UV et GC-MS avec un laboratoire partenaire, le LCME à Chambéry. Ces molécules sont des marqueurs de tous types de combustion, et on les retrouve dans les émissions de fiouls fossiles (entre autres les transports routiers), mais aussi dans la combustion de biomasse domestique (chauffage au bois)
Deux autres séries de composants chimiques des PM font également l’objet d’études approfondies au laboratoire :
•La cellulose représente une fraction importante des PM10. Elle provient des débris végétaux.
La cellulose est analysée par HPLC-PAD sous forme de glucose obtenu après hydrolyse enzymatique. On mesure actuellement la cellulose libre et la recherche s’accentue sur la cellulose totale, incluant la cellulose emprisonnée dans une matrice de lignine.
•Certains composés carbonylés présentent un risque important pour la santé. De larges séries d’aldéhydes et de cétones sont quantifiées après une étape de dérivation chimique puis analyse par HPLC-Fluorescence. Nous allons développer prochainement une méthode d’analyse par LC-MS.

Finalement, d’autres espèces chimiques constitutives des PM atmosphériques sont quantifiées pour nos études
•La quantification d’espèces métalliques provenant de sources différentes (usure des freins des véhicules ; procédés industriel ; poussière minérale des sols ; feux d’artifices, …) se réalise par ICP-MS après digestion acide au sein du laboratoire TERA environnement.
•Des mesures d’autres propriétés permettant de caractériser les processus de formation ou d’évolutions chimiques dans l’atmosphère peuvent être mises en œuvre sur ces échantillons : mesures isotopiques du carbone ou de l’azote, ….

Potentiel Oxydant (Responsables Gaëlle Uzu, Stephan Houdier)

Une recherche importante menée au laboratoire sur le développement des mesures du Potentiel Oxydant des particules atmosphériques, en lien avec l’étude de leurs impacts sanitaire. L’objectif est de mesurer la capacité intrinsèque des particules (PM) à oxyder le milieu pulmonaire pour y créer un stress oxydatif (mécanisme clé à l’origine de nombreuses pathologies cardio-respiratoires liées à l’exposition à la pollution atmosphérique), via l’apport ou la production d’espèces réactives de l’oxygène (ROS).
Le principe des mesures est de reproduire in vitro la mise en contact des particules atmosphériques (en utilisant des poinçons réalisés sur les filtres) avec du fluide pulmonaire reconstitué (solution « gamble »), ce qui reproduit les conditions physiologiques. On ajoute à des prises d’essai de cet extrait différentes solutions reproduisant les antioxydants pulmonaires. A l’IGE, nous utilisons à l’heure actuelle trois méthodologies complémentaires :

•Test avec l’acide ascorbique (AA) antioxydant pulmonaire particulièrement sensible aux métaux,
•Test au dithiothreitol (DTT) est un substitut d’antioxydant pulmonaire sensible aux molécules organiques et métalliques,
•Test à la dichlorofluorescine (DCFH) dont l’oxydation conduit à la formation d’une espèce fluorescente. Ce test est moins spécifique AA ou DTT qui mesurent les espèces réactives de l’oxygène (ROS).
Les appareils utilisés sont des lecteurs spectrophotomètres de plaques intégrant mesures d’absorbance (UV/Visible) et de fluorescence (TECAN infinite M1000 et infinite M200).

Plus récemment une autre méthodologie est mise en place à l’IGE, consistant à mesurer directement la vitesse de formation de certains ROS (dans notre cas, le radical OH, celui-ci étant considéré comme étant le plus impliqué dans le stress oxydatif). Le radical OH mis en présence d’acide téréphtalique (TA) et d’un anti-oxydant est à l’origine d’un composé chimique, dont la formation est suivie par HPLC-Fluo.
Cette deuxième méthode permet d’obtenir des informations complémentaires qui seront combinées à celles obtenues avec les 3 tests précédents.