Thèmes de recherche

Les recherches de l’équipe s’organisent selon trois axes :

  • Axe 1 – Interactions d’échelles dans l’océan
  • Axe 2 – Interactions entre dynamique océanique et autres composantes du système climatique
  • Axe 3 – Assimilation de données, interprétation d’observations, design de réseaux d’observation

Axe 1 – Interactions d’échelles dans l’océan

La dynamique océanique est l’expression de processus physiques en interaction permanente, qui couvrent des échelles spatiales allant du km à l’échelle planétaire et les échelles temporelles allant de la seconde au siècle. Dans ce contexte, nous étudions les mécanismes de variabilité océanique multi-échelle, avec un intérêt particulier pour les structures de fine échelle (tourbillons intenses, fronts, filaments), leur prévisibilité, leurs interactions mutuelles (notamment entre écoulements équilibrés et ondulatoires), les transferts d’énergie associés et leur rôle dans la variabilité climatique.

Nos recherches récentes se focalisent sur la résolution explicite des fines échelles dans les modélisations numériques basées sur le code communautaire NEMO. Elles se concrétisent par la réalisation de simulations réalistes à très haute résolution (1/12°-1/60°) incluant dans certains cas des couplages avec l’atmosphère et sa couche limite, la banquise, les calottes et la biogéochimie marine (voir axe 2), et par la confrontation des résultats aux observations et à des études de processus.

Ces simulations produisent des masses de données virtuelles utilisées pour la préparation de la mission SWOT (qui sera lancée en 2023 afin d’observer pour la première fois la dynamique océanique aux échelles résolues jusqu’à 10 km) et l’exploitation des données altimétriques, une fois le satellite en vol. Nos objectifs visent à analyser les signaux observés et à étudier les échanges d’énergie entre échelles (spectres, fonctions de structure) ainsi que les interactions ondes-courants. Ces données permettent de développer des paramétrisations déterministes ou stochastiques d’effets sous-maille (dissipation d’énergie cinétique, rôle des fines échelles dans la convection, etc.) dans les modèles à résolution intermédiaire, notamment via des méthodes d’apprentissage automatique (sparse regression, deep learning) nourries par les données simulées. La prévisibilité des écoulements à méso- et sous-mésoéchelle est étudiée au moyen de simulations ensemblistes régionales à très haute résolution, dans la perspective de contribuer au design de futures missions spatiales (voir axe 3).

Ces travaux stimulent le développement long-terme du code NEMO utilisé comme cœur dynamique des chaînes de prévision opérationnelle du service Copernicus marin CMEMS, et dans les modèles du système Terre utilisés pour les projections climatiques.

Axe 2 - Interactions entre dynamique océanique et autres composantes du système climatique

L’océan est un milieu géophysique qui interagit avec d’autres composantes du système climatique (atmosphère, cryosphère, apports continentaux) et qui constitue un maillon clé des grands cycles naturels (cycle du carbone, cycle de l’eau). Jusqu’il y a peu, les modèles dynamiques océan-banquise (NEMO-LIM) mis en œuvre dans l’équipe MEOM étaient forcés à l’interface air-mer par des formules bulk de manière à simuler une variabilité océanique approximativement en phase avec la variabilité de l’atmosphère. Ceci distord toutefois la physique du système océan-atmosphère réel (capacité calorifique atmosphérique supposée infinie, rétroactions de la SST sur le vent négligées). L’usage de modèles couplés apparait donc plus cohérent physiquement, mais l’évolution océanique peut alors être déphasée par rapport aux observations.

L’équipe s’investit à présent dans l’étude et la modélisation des interfaces océan-banquise-atmosphère. Des simulation couplées à très haute résolution (NEMO+LIM 1/36° + WRF 1/12°) sont réalisées sur l’Atlantique Nord et comparées à des modèles idéalisés avec deux objectifs principaux : (i) étudier les rétroactions océan-atmosphère à l’échelle des tourbillons et filaments, l’énergétique et la dynamique de l’océan de surface ; (ii) améliorer le forçage de NEMO par couplage avec un modèle de couche limite atmosphérique (Albatros), lui-même guidé par une atmosphère dynamique et à terme par des réanalyses. Aux hautes latitudes, ces interactions air-mer fine échelle sont médiées par la banquise, dont la rhéologie est représentée de manière très réaliste par le modèle NeXtSIM, également couplé à NEMO. L’équipe s’appuie sur le trio NEMO/NeXtSIM/Albatros et les observations pour l’étude de la dynamique fine échelle de la banquise (en forcé et couplé), de son impact sur les interactions locales air-glace-mer, et de leur effet sur l’évolution climatique de l’océan (en particulier Arctique).

Nous poursuivons des travaux dans le cadre de collaborations internes et externes à l’IGE sur l’interface océan-calotte, en vue notamment de simuler et comprendre la dynamique des écoulements sous les plateformes glaciaires et leurs interactions avec l’océan, à l’échelle de l’océan Austral. Les approches ensemblistes pourront permettre d’évaluer les incertitudes dans ces interactions, qu’elles soient liées au caractère chaotique de la variabilité océanique ou aux incertitudes des modèles. D’autres perspectives intéressantes s’ouvrent sur l’impact probable du chaos océanique sur les milieux connexes (via sa signature sur le contenu thermique notamment), la biogéochimie océanique et à plus long terme sur le système couplé océan-atmosphère.

Axe 3 – Assimilation de données, interprétation d’observations, design de réseaux d’observation

Nos recherches exploitent les complémentarités possibles entre approches numériques (modélisation, assimilation, inversion) et approches observationnelles (données spatiales et in-situ) : les simulations aident à l’interprétation de la variabilité observée et à la détection/attribution des tendances long terme ; les données synthétiques (SWOT par exemple) issues des simulations nourrissent des OSSEs guidant l’optimisation des systèmes d’observation, l’analyse et l’assimilation de futures données ; les réanalyses et prévisions estiment l’état 3D passé et futur de l‘océan contraint par les observations.

Nos méthodes se basent sur des approches probabilistes ou bayésiennes décrivant l’incertitude des états océaniques (physiques et biogéochimiques, simulés et observés), dans le contexte actuel d’augmentation de la complexité et des flux de données acquises et d’émergence en océanographie des méthodes d’intelligence artificielle. Elles se placent dans un cadre non-gaussien multivarié, de façon à prendre en compte la dynamique spécifique et le caractère multi-échelle de la variabilité. L’objectif long-terme est de construire un cadre plus générique de résolution des problèmes inverses, avec le double souci de décrire l’incertitude sur les solutions produites et de maîtriser les coûts de calcul, notamment via le développement par apprentissage statistique d’émulateurs et de modèles dynamiques simplifiés.

Elles visent plusieurs types d’applications : (i) l’estimation ensembliste des incertitudes et de leur évolution temporelle, (ii) l’assimilation d’observations dans les modèles, en vue notamment d’amélioration des systèmes opérationnels du CMEMS ; (iii) la reconstruction de la dynamique des couches de surface (dans le contexte des missions d’altimétrie radar nadir, large-fauchée, Doppler et imageurs optiques) ; (iv) la quantification des parts chaotique intrinsèque et déterministe de la variabilité océanique observée (transport de chaleur et de volume, contenu thermique, niveau de la mer), (v) l’interprétation de l’évolution observée de variables océaniques essentielles sur la base de simulations ensemblistes, et (vi) la détection et attribution des fluctuations interannuelles à décennales et des tendances observées.

Nous poursuivons par ailleurs nos recherches en assimilation de données vers d’autres domaines applicatifs (hydrologie, nivologie, glaciologie, etc.) en collaboration avec les acteurs concernés du site Grenoblois.