Organiser une mission de terrain

Déménager un laboratoire pour 15 jours n’est certainement pas l’exercice le plus simple auquel on peut se prêter. C’est pourtant ce qu’a fait Sarah Albertin, étudiante en deuxième année de thèse, en installant un laboratoire de mesure atmosphérique dans la vallée de l’Arve, à Chamonix.

Pour un départ en vacances, il est commode de préparer une liste d’objets à ne pas oublier. Sarah, elle, a préparé cette liste depuis janvier. Elle savait qu’elle ne pourrait rien oublier mais surtout elle savait qu’elle n’aurait qu’une courte fenêtre pour effectuer ses mesures. Cette étude se focalise sur les évènements de pollution aux particules en hiver causés par les émissions locales et liés à des inversions de température à la surface qui empêchent la dispersion des polluants. De nos jours, la compréhension des processus physico-chimiques en jeu lors de ces phénomènes de pollution sévère dans les villes situées en milieu montagnard/polaire est un sujet capital.

Pour Sarah, le maître mot des missions sur le terrain est l’adaptation. Ceci commence par la décision du lieu d’étude. L’étude des mécanismes d’oxydation et de formation d’aérosols en milieux urbains en hiver, son sujet de recherche, ciblait initialement la ville de Fairbanks en Alaska. La situation sanitaire empêchant les déplacements vers ce lieu, il fallut trouver un site comparable d’un point de vu météorologique et chimique, d’où le choix de la vallée de l’Arve.

Mais comment passer d’un laboratoire Grenoblois à une installation ex nihilo à Chamonix ?

Pour sa mission, Sarah a dû installer trois plateformes : une plateforme d’échantillonnage pour la collecte des gaz et particules atmosphériques, une plateforme instrumentale et un laboratoire de chimie. Les polluants atmosphériques seront captés par collecteurs extérieurs et analysés par les appareils en intérieur. Certaines analyses nécessitent une étape chimique. La règle, certes évidente mais souvent difficile d’application, est de toujours penser aux limites et aux nécessités de chaque geste.

Collecteurs d’aérosols haut-volume (à gauche) et de gaz sur tube dénudeur (à droite)
Crédit : Alexis LAMOTHE

Pour la partie instrumentale, les appareils imposent une température stable et proche de 20°C, il en va de la répétabilité des mesures. Pour autant, il faut pouvoir relier ces analyseurs à la plateforme extérieure de prélèvement. De plus, chaque appareil doit être alimenté en électricité et en bouteilles de gaz. Ces gaz servent à étalonner les appareils, c’est à dire à fixer les valeurs de référence.

Le lieu de collecte idéal n’existe pas. L’implantation du lieu de prélèvement doit répondre aux critères d’études scientifiques en gardant une accessibilité pour les manipulations et une alimentation électrique. Il faut toujours trouver ce juste milieu entre ces deux points.

Enfin, et certainement le plus étonnant, est l’installation d’un laboratoire de chimie. Ces laboratoires sont souvent des lieux aseptisés d’une part – aucune contamination ne doit polluer les échantillons – et de risque chimique d’autre part. La manipulation requiert alors des équipements de protection individuel (blouse, gant, lunettes) ainsi qu’une hotte à flux laminaire - hotte permettant de ne pas contaminer les échantillons. Ces laboratoires exigent beaucoup de petit matériel comme les pipettes, la verrerie et les produits chimiques. Un point d’attention particulier concerne l’eau purifiée qui permet la vaisselle et l’extraction des molécules : pas moins de 200 litres ont été nécessaires.

Laboratoire de chimie
Crédit : Alexis LAMOTHE

Le matériel chargé, la mission de terrain peut alors commencer à proprement parler. Installer les 2 appareils de collecte et tester les 5 analyseurs avant la campagne de mesures prend déjà 6 jours. Heureusement, la boite à outils avait été prévue pour réparer directement les instruments défectueux. Tout est prêt ! Enfin presque… un vent du sud a décidé de venir perturber les données en apportant du sable saharien. Il faut donc une fois encore s’adapter et attendre un retour des conditions d’étude.

Vous l’aurez compris, une mission ne s’improvise pas. Elle demande certes une grande préparation mais aussi une grande connaissance des appareils pour pouvoir répondre à tout changement. Pour autant certains aléas peuvent être limités. Travailler sur un lieu d’étude adapté à la mission joue un rôle essentiel, d’où l’importance d’un réseau d’antennes mis à disposition par le CNRS comme le chalet du Clos de l’ours à Chamonix.