Une rivière de plastiques : du visible à l’invisible

D’après une publication de Jambeck et al., (2015, Science), tous les ans, entre 4 et 12 millions de tonnes de déchets en matière plastique rejoindraient les océans de la planète, une conséquence de la mauvaise gestion des déchets ménagers par les populations côtières. Parmi les dix pays les plus émetteurs de déchets, sept sont des pays en voie de développement et cinq sont localisés en Asie du Sud Est. Le Vietnam est classé 4ème.
À Ho Chi Minh Ville, capitale économique du Vietnam avec plus de 8 millions d’habitants, un programme de recherche (IGE-CARE-HCMUT-LEESU) est né de la prise de conscience d’une scientifique de l’Institut de Recherche pour le Développement et de l’IGE et de sa partenaire du CARE (HCMUT). Pour la première fois la contamination en macroplastiques et microplastiques d’une rivière tropicale d’un pays émergent est documenté. Les résultats sont édifiants : la présence de déchets plastiques flottants est 700 fois plus importante que dans une rivière traversant une capitale d’un pays du Nord, comme la Seine. La mauvaise gestion des déchets, mais aussi les habitudes locales comme la ‘streetfood’ et les rejets sauvages de déchets dans les cours d’eau sont responsables de cette forte contamination. Les concentrations de plastiques d’origine continentale entrant dans la rivière ont ainsi été estimées à 350 - 7270 g habitant-1 an-1. La contamination en fibres et fragments de taille inférieure à 5mm est elle 1000 fois plus concentrée que la Seine. Ces microplastiques sont d’origine anthropique et plus particulièrement issus des industries textiles et plasturgiques présentes dans le bassin versant. En effet, le Sud du Vietnam concentre plus de 80% des activités plastiques du pays. Les recherches en cours, financées par EC2CO (2017-2018) visent à étudier la distribution spatiale et temporelle de ces microplastiques dans les eaux et sédiments de la rivière Saigon et la mangrove de Can Gio, une réserve naturelle classée à l’Unesco située à l’aval de HCMV. L’évaluation de la contamination s’étend également à d’autres compartiments aquatiques comme le biota (poissons, palourdes) et les eaux de pluie dans le cadre de projets financés par la VNU (Vietnam).

Pour aller plus loin :

Un film court réalisé par l’IRD retrace ces recherches développées au Centre Asiatique de Recherche sur l’Eau au Vietnam.

Une exposition IRD trilingue (français, vietnamien et anglais) destinée au grand public vise à faire un état des lieux des vies sociales des matières plastiques au Vietnam, en suivant les objets depuis leurs lieux de production, de consommation, dans l’intimité de la vie quotidienne et jusqu’aux accumulations de déchets dans l’environnement aquatique. http://www.ird.fr/ird.fr/la-mediatheque/expositions/expositions-disponibles-en-pret/matieres-plastiques-des-vies-sauvages

Lahens L., Strady E., Kieu-Le T.C., Dris R., Boukerma K., Rinnert E., Gaspéri J., Tassin B., 2018. Macroplastic and microplastic contamination assessment of a tropical river (Saigon River, Vietnam) transversed by a developing megacity. Environmental Pollution 236, 661-671

Actualités scientifiques IRD https://www.ird.fr/toute-l-actualite/actualites-scientifiques/du-plastique-dans-la-riviere-saigon

Contacts

Emilie Strady : emilie.strady ird.fr
Kieu-Le Thuy Chung : kltchung hcmut.edu.vn
CARE Centra Asiatique de Recherche pour l’Eau : http://carerescif.hcmut.edu.vn/