Une ligne de grain est passée sur le réseau d’observation du projet de recherche RadAlp

Certains hydrométéorologues de l’IGE qui étudient les systèmes précipitants de l’Afrique de l’Ouest ont presque reconnu les caractéristiques d’une ligne de grain lors de l’orage qui est passé sur l’agglomération grenobloise l’après-midi du 22 juin 2023 entre 16h et 17h30. En effet, une ligne convective marquée (délimitée par le trait noir le plus à l’Ouest sur la figure 1) suivie d’une petite traine stratiforme a traversé la région à l’avant du passage d’un front froid (arrivée d’air plus frais au niveau du sol, représentée par la ligne avec les triangles sur la même figure) cet après-midi-là. La structure en ligne était bien visible sur l’imagerie radar avant son arrivée comme le montrent les animations de la figure 2.

Figure 1 : Carte d’analyse des fronts le jeudi 22 juin 2023 à 14h (Météociel)
Figure 2 : Carte des précipitations observées par radar l’après-midi du 22 juin 2023 (Meteo60)

Les cumuls enregistrés n’ont pas été exceptionnels (20 à 25 mm aux stations GreEn-Er à la presqu’île, OSUB-B sur le campus, à Gières, Saint-Martin-d’Uriage et Chamrousse). Mais de fortes intensités de pluie ont été relevées : jusqu’à 80 mm/h lors des minutes les plus intenses à ces stations. Des rafales de vent de près de 50 km/h ont été enregistrées à OSUG-B, de 76 km/h à GreEn-ER (deux panneaux solaires de la toiture du bâtiment, récemment installés, ont été arrachés), plus de 100 km/h sur le plateau du Vercors et 171 km/h à la Croix de Chamrousse.

Le dispositif mis en place et maintenu par le service technique de l’IGE pour le projet RadAlp (qui a été soutenu par le Labex OSUG@2020, EDF/DTG et le SCHAPI) a pu enregistrer l’événement. Ce réseau (figure 3) est constitué actuellement (sous cette configuration depuis fin 2020) de :

  • 3 stations météorologiques situées à Chamrousse-Le Recoin (Météo-France), Saint-Martin d’Hères-Campus (IGE) et GreEn-Er (ENSE3).
  • 9 pluviomètres (tous gérés par l’IGE sauf Chamrousse (Météo-France) et GreEn-Er (ENSE)) situés à Chamrousse-Le Recoin, Saint-Martin d’Uriage (2), Vaulnaveys-le-Haut, Uriage (2), Gières, Saint-Martin d’Hères-Campus et GreEn-Er.
  • 5 disdromètres situés à Chamrousse-Le Recoin (2, IGE), Saint-Martin d’Hères-Campus (IGE), GreEn-Er (ENSE3) et Saint-Martin d’Uriage - Le Replat (IGE).
  • 2 radars météorologiques volumiques à double polarisation en bande X, l’un situé au sommet du Mont Moucherotte (Météo-France) et l’autre situé à Saint-Martin d’Hères-Campus (XPort, IGE)
  • 1 micro radar pluviométrique en bande K, à pointage vertical, à Saint-Martin d’Hères-Campus (IGE).
Figure 3 : le réseau d’observation RadAlp (carte réalisée par les étudiants du projet RadAlp/CAPOeIRA, dans le cadre de leur atelier d’ingénierie 2023 de 2ème année à ENSE3)

Les images enregistrées par le radar XPort installé sur le toit de l’OSUG-B témoignent également de fortes précipitations et de fortes vitesses de vent. Des structures atypiques (et que nous n’avons pas encore bien interprétées…) ont été observées, comme cet « arc » horizontal de forte réflectivité observé à plus de 6000 m d’altitude que l’on voit sur la figure 4 qui représente la coupe verticale de l’atmosphère en direction de Chamrousse et où les cercles en gris représentent des rayons de 5 km. On voit également sur cette figure l’altitude de 12 km atteinte le système précipitant qui correspond aux limites basses de la stratosphère.

Cet événement particulier fera l’objet d’une étude approfondie avec l’ensemble des données du réseau d’observation. Les premières analyses des données du radar XPort montrent un taux d’atténuation record (depuis le début du projet) de la propagation des ondes radar par les pluies de cet événement. L’atténuation rend plus difficile l’estimation des intensités précipitées, en particulier pour ce type de radar de configuration légère (bande X, le radar du Moucherotte est également de ce type). Mais elle peut être identifiée (puis corrigée) grâce à la diversité de polarisation utilisée sur ces radars et/ou en comparant les valeurs des échos (fixes) des montagnes pendant les événements pluvieux à celles des mêmes échos observés par temps sec (Delrieu et al., 2022).

Figure 4 : coupe verticale de l’atmosphère en direction de Chamrousse observée par le radar Xport. Les couleurs représentent les puissances rétrodiffusées par les précipitations et les échos de montagne : rose = très faible, bleu = faible, vert/jaune : moyen, rouge/gris : fort/très fort. La distance entre 2 arcs de cercle est de 5 km. Le radar est situé à OSUG-B (au coin en bas à gauche de l’image)

Références citées :

  • Delrieu, G., Khanal, A. K., Cazenave, F., & Boudevillain, B. (2022). Sensitivity analysis of attenuation in convective rainfall at X-band frequency using the mountain reference technique. Atmospheric Measurement Techniques, 151(111), 3297–3314. https://amt.copernicus.org/articles/15/3297/2022/
  • Lejot, M., Castiblanco, C., Genty, P., Klein, M., Le Goffic, T., Pereira, N. and Rosenqvist, M. (2023) : Cross Analysis of Precipitation Observation (In situ and Radar) in the Alps (CAPOeIRA), Engineering project ENSE3/Grenoble INP.

Depuis le début du projet, plusieurs personnels de l’IGE ont été impliqués à différents niveaux (appui technique et/ou analyse des données et/ou hébergement) : Hélène Barral, Romain Biron, Stéphane Boubkraoui, Brice Boudevillain, Frédéric Cazenave, Catherine Coulaud, Guy Delrieu, Guilhem Freche, Hélène Guyard, Anil Khanal, Bernard Mercier, Charles Obled, Davy Regneau, Christophe Rousseau et Bruno Wilhelm

Contact scientifique : Brice Boudevillain