Synthèse nationale des contributions des sources aux particules atmosphériques, et récent développements méthodologiques

Les particules fines, i.e. aérosols ou PM, sont connues pour avoir un effet délétère sur la santé, et leur concentration dans l’atmosphère sont sujettes à réglementation au niveau Européen. Afin de pouvoir agir sur leur concentration, la connaissance, mais surtout la quantification de leur source d’émission est une étape majeure. La volonté de connaître la variabilité spatiale et temporelle des sources d’émissions a conduit à l’élaboration du programme SOURCES (Favez et al., 2017 ; Weber et al., 2019), rassemblant plus de 2200 échantillons d’air ambiant sur 15 sites français différents, et couvrant les années 2012 à 2016. Sur chacun de ces prélèvements, la matière carbonée (OC, EC), des traceurs organiques (levoglucosan, polyols, MSA…), les ions (Cl-, NO3-, SO42-, Na+, K+, Mg2+, Ca2+, NH4+) et une vingtaine d’éléments traces (Al, As, Ba, Cd, Co, Cr, Cs, Cu, Fe, La, Mn, Mo, Ni, Pb, Rb, Sb, Se, Sn, Sr, Ti, V, Zn) ont été analysés.
La mise en place et l’utilisation d’une méthodologie harmonisée de déconvolution statistique de type Positive Matrix Factorization (PMF), couplées à un ensemble de contraintes homogènes fondées sur la connaissance géochimique des profils d’émission sur l’ensemble des sites de mesure a permis l’identification de 9 fractions des PM communes à l’ensemble du territoire métropolitain, et la quantification de leurs contributions moyennes aux PM10 (Figure 1). Notamment, 2 sources primaires d’émissions importantes ont été systématiquement identifiées (la combustion de bois de chauffage et le trafic routier automobile) ainsi que 2 fractions provenant de réactions photochimiques secondaires dans l’atmosphère. On retrouve aussi une fraction provient des poussières minérales liées à la remise en suspension d’élément crustaux. Enfin, une partie non négligeable des PM en été a été attribuée à une émission biogénique (bactérie et/ou champignon, voir Samaké et al., (2019b, 2019a) et http://www.ige-grenoble.fr/Concentrations-de-polyols-et).

Figure 1 : Contributions journalières moyennes en µg.m³ des sources de PM identifiées sur plus de 10 des 15 sites d’études.
Figure 1 : Contributions journalières moyennes en µg.m³ des sources de PM identifiées sur plus de 10 des 15 sites d’études.


Au-delà de la « simple » étude de site, une attention particulière a été porté à la quantification des incertitudes du modèle PMF. Deux tests différents, proposés par la littérature pour ce type d’étude, ont été conduits afin d’estimer la fiabilité statistique des solutions obtenues et la variabilité intra-site des concentrations (« bootstrap » et « displacment »). Ces résultats montrent que les incertitudes des solutions PMF sont relativement faibles pour les espèces spécifiques d’une source (espèce traceur), avec des coefficients de variation de l’ordre de 10 % ou moins. Cependant, le modèle estime avec des incertitudes plus importantes les contributions des espèces non traceuses de sources.
La (dis-)similarité des profils chimiques des fractions de PM a également été quantifiée grâce à l’outil développé par le groupe de travail européen WG3 du forum FAIRMODE. La variabilité inter-sites montre que les compositions chimiques des sources liées à la combustion de bois, les sels de mer, les émissions biogéniques et les processus secondaires sont identiques à l’échelle nationale. En revanche, les émissions véhiculaires liées au trafic routier présentent des profils chimiques sensiblement différents, avec de forte variations selon les sites.
Il s’agit à notre connaissance de la plus grande étude de source-apportionment rapportée dans la littérature à ce jour, non seulement par le nombre de sites et d’échantillons considérés mais également par la quantification des incertitudes et la confrontation des résultats à une échelle nationale. L’étape suivante de cette étude sera d’estimer la contribution des sources d’émission non pas à la masse des PM, mais à un traceur jugé plus proche de l’impact sanitaire des particules : le potentiel oxydant (voir Weber et al., (2018)) et http://www.ige-grenoble.fr/Qualite-de-l-air-et-impact).
Les auteurs remercient sincèrement l’ensemble des personnels des AASQA et des laboratoires pour leur travail de collecte et d’analyse des échantillons. L’ensemble de ces résultats a été mis à disposition à travers la publication du site web interactif http://pmsources.u-ga.fr, où le lecteur peut explorer la base de données générée par cette étude, ainsi que la majeure partie des résultats obtenus.

Lien vers l’article : https://www.mdpi.com/2073-4433/10/6/310
Lien vers le site web : http://pmsources.u-ga.fr

Références :

Favez, O., Salameh, D. and Jaffrezo, J.-L. : Traitement harmonisé de jeux de données multi-sites pour l’étude de sources de PM par Positive Matrix Factorization (PMF), LCSQA. [online] Available from : https://www.lcsqa.org/system/files/rapport/lcsqa2016-traitement_harmonise_etude_sources_pmf.pdf, 2017.
Samaké, A., Jaffrezo, J.-L., Favez, O., Weber, S., Jacob, V., Canete, T., Albinet, A., Charron, A., Riffault, V., Perdrix, E., Waked, A., Golly, B., Salameh, D., Chevrier, F., Oliveira, D. M., Bessombes, J.-L., Martins, J. M. F., Bonnaire, N., Conil, S., Guillaud, G., Mesbah, B., Rocq, B., Robic, P.-Y., Hulin, A., Meur, S. L., Descheemaecker, M., Chretien, E., Marchand, N. and Uzu, G. : Arabitol, mannitol and glucose as tracers of primary biogenic organic aerosol : influence of environmental factors on ambient air concentrations and spatial distribution over France, Atmospheric Chemistry and Physics Discussions, 1–24, doi :https://doi.org/10.5194/acp-2019-434, 2019.
Samaké, A., Jaffrezo, J.-L., Favez, O., Weber, S., Jacob, V., Albinet, A., Riffault, V., Perdrix, E., Waked, A., Golly, B., Salameh, D., Chevrier, F., Oliveira, D. M., Bonnaire, N., Besombes, J.-L., Martins, J. M. F., Conil, S., Guillaud, G., Mesbah, B., Rocq, B., Robic, P.-Y., Hulin, A., Meur, S. L., Descheemaecker, M., Chretien, E., Marchand, N. and Uzu, G. : Polyols and glucose particulate species as tracers of primary biogenic organic aerosols at 28 French sites, Atmospheric Chemistry and Physics, 19(5), 3357–3374, doi :https://doi.org/10.5194/acp-19-3357-2019, 2019.
Weber, S., Uzu, G., Calas, A., Chevrier, F., Besombes, J.-L., Charron, A., Salameh, D., Ježek, I., Močnik, G. and Jaffrezo, J.-L. : An apportionment method for the oxidative potential of atmospheric particulate matter sources : application to a one-year study in Chamonix, France, Atmospheric Chemistry and Physics, 18(13), 9617–9629, doi:10.5194/acp-18-9617-2018, 2018.
Weber, S., Salameh, D., Albinet, A., Alleman, L. Y., Waked, A., Besombes, J.-L., Jacob, V., Guillaud, G., Meshbah, B., Rocq, B., Hulin, A., Dominik-Sègue, M., Chrétien, E., Jaffrezo, J.-L. and Favez, O. : Comparison of PM10 Sources Profiles at 15 French Sites Using a Harmonized Constrained Positive Matrix Factorization Approach, Atmosphere, 10(6), 310, doi:10.3390/atmos10060310, 2019.