Sediment origin and erosion processes within an alpine glaciated catchment (Bossons glacier, Mont-Blanc, France).

Jeudi 19 jan. 2017 à 13 h : séminaire de Hervé GUILLON (IGE-Hydrimz), salle de réunion OSUG-B 1er étage

Résumé :

Les variations passées du climat à la surface de la Terre ont sensiblement impacté l’extension des glaciers, entraînant d’importantes modifications des flux de sédiments. En conséquence, dans le cadre du réchauffement climatique actuel, se pose la question de l’évolution de charge sédimentaire issue de bassins versants partiellement englacés. Dans les Alpes, l’export détritique d’un tel environnement résulte d’une combinaison de processus d’érosion agissant principalement sur trois domaines géomorphologiques distincts : les parois supraglaciaires, le substratum couvert de glace et la zone proglaciaire à l’aval du glacier. Comprendre la dynamique sédimentaire d’un bassin versant englacé ainsi que ses éventuels contrôles requiert dès lors de séparer les différentes composantes du flux de sédiments provenant des domaines supraglaciaire, sous-glaciaire et proglaciaire.

Ainsi l’origine et le transport des sédiments dans les bassins versants de deux torrents issus du glacier des Bossons (massif du Mont-Blanc, France) ont été caractérisés à partir d’une combinaison de méthodes innovantes :

  • L’utilisation de la concentration en nucléides cosmogéniques comme marqueur du transport à la surface du glacier ;
  • L’analyse combinée de données météorologiques et de mesures hydro-sédimentaire à haute résolution temporelle (2 min) complétées par des modèles linéaires multivariés ;
  • La mise en œuvre d’une méthode probabiliste associée à une application sur 7 ans de l’estimation des flux sédimentaires par source ;
  • Le traçage radio-fréquence de particules grossières dans la zone proglaciaire associé à une analyse dans le cadre d’un modèle de transport stochastique.
L’Aiguille du Midi, le Glacier des Bossons et la plaine alluviale proglaciaire du torrent des Bossons
(c) Guillon

A travers des outils numériques, l’application des méthodologies présentées apporte une estimation des taux d’érosion des domaines supraglaciaire, sous-glaciaire et proglaciaire, et contraint le transfert des sédiments dans le bassin versant. Ainsi, dans la partie terminale du glacier, 48±14 à 9±4% de la charge supraglaciaire est transférée vers le réseau de drainage sous-glaciaire. Par ailleurs, l’évolution de ce dernier au cours de la saison de fonte entraîne sur une courte période l’export de la production sédimentaire hivernale. De plus, la configuration du drainage sous le glacier et sa dynamique de retrait contrôlent la remobilisation d’un stock sédimentaire sous-glaciaire plus ancien. Ces processus expliquent le contraste entre les taux moyens d’érosion sous-glaciaire des deux torrents instrumentés, respectivement 0.63±0.37 et 0.38±0.22 mm.an−1. Dans les deux cas, l’érosion est inférieure à la création topographique tectonique, _1.5 mm.an−1, et du même ordre de grandeur que le taux moyen d’érosion des parois surplombants le glacier, évalué à 0.76 ± 0.34 mm.an−1.

A l’aval du glacier, les versants ne sont pas efficacement connectés au torrent proglaciaire et le glacier reste la source principale de l’export sédimentaire. Ainsi, en l’absence d’événements extrêmes, l’apport du domaine proglaciaire correspond à 13 ± 10% de l’export sédimentaire total du bassin versant. Par ailleurs, la zone proglaciaire agit comme un tampon sédimentaire fonctionnant d’une échelle quotidienne à annuelle pour les silts et les sables, et à une échelle décennale pour les particules plus grossières. Au total, malgré un retrait glaciaire récent et rapide, le bassin versant du glacier des Bossons présente actuellement une dynamique paraglaciaire limitée dont l’intensité correspond à un taux moyen d’érosion proglaciaire de 0.25±0.20 mm.an−1. Enfin, sur l’ensemble du bassin versant, la dynamique sédimentaire est multi-fréquentielle et amortie par des stockages intermédiaires.

Par Hervé Guillon (IGE-Hydrimz)