RadAlp : Apport de la télédétection radar pour l’estimation des précipitations liquides et solides dans les Alpes

le Mardi 29 janvier 2019 à 14h, en salle OSUG-B 105

G. Delrieu, A. Khanal, F. Cazenave, B.Boudevillain
Institut des Géosciences de l’Environnement Grenoble
N. Yu, D. Faure, N. Gaussiat
Centre de Météorologie Radar, Météo France

Résumé :
L’amélioration de l’estimation des précipitations en montagne représente un enjeu d’importance majeure pour l’évaluation et la gestion des ressources en eau et en neige (production d’eau potable et d’énergie hydro-électrique, besoins liés à l’agriculture et au tourisme) et pour la prévision des risques naturels (crues et inondations, crues soudaines, mouvements gravitaires …). Pour caractériser et anticiper les risques associés aux précipitations intenses et à la fusion du manteau neigeux, il convient de disposer d’observations hautement résolues spatialement (1 km² ou mieux) et temporellement (l’heure ou mieux) des précipitations liquides et solides qui ne peuvent pas être obtenues à l’aide de réseaux hydrométéorologiques conventionnels dans une chaîne de haute montagne comme les Alpes.
La couverture des régions de haute montagne pose cependant un ensemble de problèmes complexes pour ce capteur liés au relief et à la structure verticale des précipitations que l’on peut résumer par le dilemme suivant : 1) installer un radar au sommet d’une montagne permet une visibilité à 360° et donc la capacité de détecter des systèmes précipitants à forte extension verticale (événements convectifs estivaux) à l’échelle régionale ; mais les précipitations sont susceptibles de subir d’importantes modifications entre l’altitude de leur détection et leur arrivée au sol, cela incluant des modifications de phase lorsque l’isotherme 0°C est située entre l’altitude du radar et le sol ; 2) installer un radar en fond de vallée permet de garantir de meilleures estimations par tout temps à l’échelle d’un site vulnérable (une ville alpine par exemple), mais au prix d’une visibilité réduite à celui-ci. De plus, si les interactions entre ondes électromagnétiques et précipitations liquides sont assez bien quantifiées, la rétrodiffusion et l’absorption des hydrométéores glacés et en fusion sont beaucoup plus complexes du fait de la diversité de forme et de densité de ces hydrométéores et cela constitue un défi particulièrement crucial dans le contexte considéré.

Météo-France a déployé un radar bande X, Doppler à diversité de polarisation en 2014 au sommet du mont Moucherotte à proximité immédiate de Grenoble. Malgré l’apport de la polarimétrie, la forte atténuation subie dans la couche de fusion à cette longueur d’onde, combinée à l’hétérogénéité de remplissage du faisceau radar (NUBF pour « non-uniform beam filling » effects), reste une limitation des mesures radar bande X réalisées en altitude pour l’estimation des intensités de précipitations liquides et solides au sol. L’IGE dispose d’un radar de recherche appelé XPORT, de caractéristiques proches de celles du radar du Moucherotte. Ce radar a été installé sur le site de l’IGE sur le toit du bâtiment OSUG-B. Divers capteurs in-situ (station météorologique, disdromètres) et de télédétection (MRR - radar à visée fixe verticale en bande K - longueur d’onde 1 cm) installés à proximité complètent ce système d’observation. Depuis 2016, un jeu de données de qualité a pu être acquis à l’aide des radars XPORT, du MRR et des capteurs in-situ.

Deux études menées en 2018 seront discutées :

1) La couche de fusion qui se développe en dessous de l’altitude de l’isotherme 0 ° C détermine l’occurrence de pluie et de neige au niveau du sol et crée plusieurs artefacts pour la mesure radar (bande brillante, atténuation), ceux-ci affectant les estimations de pluie et de neige. Nous avons développé un algorithme de détection automatique des caractéristiques de la couche de fusion (altitudes haute et basse, altitudes et valeurs des pics des différents paramètres polarimétriques et Doppler). Une climatologie de différents paramètres a pu être établie à partir des données d’une cinquantaine d’épisodes couvrant le cycle annuel.

2) Nous avons abordé la question de l’atténuation en bande X en comparant des estimations d’atténuation totale (PIA) obtenues à partir de la décroissance du signal rétrodiffusé par les montagnes lors de précipitations avec des estimations de phase différentielle (ϕ_dp) sur le trajet aller-retour radar-montagne. Outre des résultats obtenus avec le radar XPORT pour la pluie lors d’épisodes convectifs estivaux, nous avons pu analyser un cas hivernal très intéressant avec la caractérisation de l’atténuation dans les différentes parties de la couche de fusion lors de sa montée et de son passage au niveau du faisceau à 0° du radar du Moucherotte, l’évolution temporelle de la couche de fusion étant caractérisée par ailleurs en détail de façon concomittante à l’aide des données d’XPORT.