Que voit un photon qui arrive dans la neige ?

© Pierre Jacquet / OSUG

Des scientifiques de la fédération OSUG (Institut des géosciences de l’environnement [1] & Centre d’études de la neige [2]) ont étudié l’interaction du rayonnement solaire avec la neige à l’échelle micrométrique, ce qui détermine la blancheur du manteau neigeux et a un impact crucial sur le climat de la Terre. Dans une nouvelle étude, publiée le 7 juillet 2023 dans Nature Communications, ils ont défini et quantifié un nouveau concept, celui de la forme optique de la neige. L’impact de cette découverte est important pour améliorer la précision des modèles de simulation climatique.

 

 

La neige, une fois déposée au sol, est un matériau composé d’air et de cristaux de glace, dont la forme et l’arrangement sont très variables à l’échelle micrométrique. C’est ce qu’on appelle la microstructure de la neige (Figure 1). Cette « mousse » de glace et d’air gouverne la propagation de la lumière au sein du manteau neigeux par le biais de phénomènes de réfraction et réflexions internes dans la glace. Cependant, bien qu’elle soit extrêmement complexe et irrégulière, la neige naturelle est encore représentée de manière simpliste dans presque tous les modèles optiques, tels que ceux implémentés dans les modèles climatiques. Ces modèles représentent généralement la neige comme une collection de particules de glace avec une forme géométrique parfaite, et principalement des sphères. Parmi les nombreuses implications pour le bilan énergétique de la neige, cette simplification conduit à des incertitudes conséquentes dans la modélisation du climat, avec des impacts potentiels allant jusqu’à 1.2°C sur la température de l’air à l’échelle globale.

Figure 1. Exemple d’une microstructure de neige. Dans ce cas c’est de la neige fraîche.

Dans cette nouvelle étude, les auteurs ont simulé très précisément la propagation de la lumière dans une collection d’images 3D de la microstructure de la neige obtenue par tomographie aux rayons X, en utilisant une technique de tracé de rayons (ray-tracing).
Leurs résultats montrent que, du point de vue de la lumière solaire, la neige n’est pas équivalente à des sphères ou à d’autres formes simples, contrairement à ce qui se fait actuellement dans une grande partie des schémas optiques des modèles de neige (Figure 2). Pour la première fois, des valeurs précises de la forme optique de la neige ont été déduites, des valeurs qui peuvent être directement utilisées dans les modèles de climat au détriment de l’hypothèse de la sphéricité. Selon leur estimation, les incertitudes liées à la forme optique de la neige dans ces modèles seraient divisées par 3. Ces résultats montrent au même temps que, malgré les très différentes microstructures de neige, la distance parcourue par la lumière solaire dans la glace est, en moyenne, toujours la même. C’est à dire, la neige est fondamentalement ergodique.

Figure 2. La forme optique de la neige, définie et quantifié par deux paramètres : le paramètre d’amplification de l’absorption B et le paramètre d’asymétrie géométrique gG. Le message clé à garder : la neige couvre une zone de la figure totalement différente de celle couverte par les formes géométriques simples.

Ces travaux constituent un changement de paradigme dans la manière dont la neige est représentée dans les modèles optiques. Au-delà des simulations climatiques, ces résultats peuvent être bénéfiques partout où l’optique de la neige est importante, de la photochimie de la neige aux algorithmes de télédétection.


Références

Unraveling the optical shape of snow
Alvaro Robledano, Ghislain Picard, Marie Dumont, Frédéric Flin, Laurent Arnaud et Quentin Libois.
Nature Communications, 7 juillet 2023

Contact scientifique local

 Alvaro Robledano, doctorant à l’IGE / OSUG

Cet article a initialement été publié par l’UGA

[1(IGE / OSUG - CNRS/Inrae/IRD/UGA – Grenoble INP-UGA)

[2(CEN / OSUG - CNRM/Météo-France/CNRS)