Les aérosols de sel marin génèrent une forte incertitude pour la représentation du climat polaire

Dans les régions polaires, la formation des nuages est conditionnée par les émissions d’aérosols naturels, tels que le sel de mer, émis lorsqu’un vent fort souffle à la surface de l’océan. La représentation adéquate du climat en Arctique et en Antarctique dans les modèles est donc tributaire d’une bonne paramétrisation de ces aérosols marins aux pôles. Or ceux-ci n’ont pas ou peu été évalués, notamment dans la dernière génération de modèles de climat, CMIP6. C’est ce que nous avons entrepris dans une étude parue en mars 2023 dans la revue Journal of Geophysical Research : Atmospheres.

Dans cette évaluation, nous montrons que :
(1) la masse d’aérosols de sel de mer est surestimée dans les modèles de climat, en Arctique comme en Antarctique, par près d’un ordre de grandeur par rapport à des mesures de surface
(2) la diversité des valeurs produites par les modèles implique une incertitude d’un facteur 3 sur les concentrations
(3) l’incertitude présente et future sur ces concentrations, combinée à la sensibilité des climats polaires aux aérosols marins, induit une incertitude sur le bilan radiatif aux pôles de l’ordre de 1W/m2.

Cette étude suggère donc de revoir les paramétrisations adoptées par les modèles de climat quant aux aérosols marins, notamment en incluant les sources spécifiques liées à la banquise.

L’absence de représentation des sources d’aérosols marins issues des régions de glace de mer dans les modèles conduit à un cycle annuel des concentrations de surface déformé, notamment pour les stations de mesures les plus proches du pôle. La distribution en taille de ces aérosols dans les modèles induit par ailleurs un biais positif sur la masse émise.

Les concentrations en aérosols marins pourraient plus que doubler en Arctique d’ici la fin du siècle, en lien notamment avec la fonte accélérée de la banquise, et pourraient augmenter de 50% même dans un scénario modéré de changement climatique. L’incertitude sur l’impact radiatif des aérosols marins implique donc une forte incertitude sur le climat polaire présent et futur.

Contact : Rémy Lapere

Référence : Lapere, R., Thomas, J. L., Marelle, L., Ekman, A. M. L., Frey, M. M., Lund, M. T., et al. (2023). The representation of sea salt aerosols and their role in polar climate within CMIP6. Journal of Geophysical Research : Atmospheres, 128, e2022JD038235. https://doi.org/10.1029/2022JD038235