Les feux de forêts au Canada : Signature chimique et fréquence passée dans la glace du Groenland

Les mesures chimiques réalisées sur le forage de GRIP aboutirent à la découverte que la glace du Groenland archive les grands feux de forêts se produisant certaines années au Canada. Cette étude suggéra que le formiate d’ammonium est un bon proxy des feux de forêts dans la glace (Legrand et al., 1992). Elle ouvrit la porte à de très nombreuses études réalisées sur la glace extraite de sites glaciaires de l’hémisphère Nord (Groenland, Alaska, Sibérie centrale, et Kamchatka) exposés aux panaches de feux de la forêt boréale.
La forêt boréale, un réservoir clé de carbone, présente un intérêt particulier en terme de réponse au changement climatique. ....

Les mesures chimiques réalisées sur le forage de GRIP aboutirent à la découverte que la glace du Groenland archive les grands feux de forêts se produisant certaines années au Canada. Cette étude suggéra que le formiate d’ammonium est un bon proxy des feux de forêts dans la glace (Legrand et al., 1992). Elle ouvrit la porte à de très nombreuses études réalisées sur la glace extraite de sites glaciaires de l’hémisphère Nord (Groenland, Alaska, Sibérie centrale, et Kamchatka) exposés aux panaches de feux de la forêt boréale.

La forêt boréale, un réservoir clé de carbone, présente un intérêt particulier en terme de réponse au changement climatique. Les feux boréaux, qui sont surtout d’origine naturelle (initiés par la foudre), risquent en effet d’évoluer dans le futur (printemps précoce, été plus chaud et sec, fréquence accrue d’orage, et modification de la végétation boréale). L’examen des toutes dernières décennies mets bien en évidence la complexité des interactions climat/conditions propices au feu/végétation avec des réponses apparaissant variables d’une région à l’autre. Un retour sur le passé, par exemple sur les fluctuations climatiques du dernier millénaire, peut aider à mieux comprendre ce couplage « climat/feux/biosphère boréale ».

Suite à l’étude de GRIP, plusieurs reconstructions de feux furent effectuées en différents sites en mesurant dans la glace un, voir deux proxy, comme l’ammonium, le formiate, le nitrate, le potassium, le carbone suie, l’acide vanillique, ou le levoglucosan. Elles n’abordaient cependant pas deux points importants : l’évolution passée des différents proxy sur le même site est elle cohérente, quelles variations passées la glace révèlent-elle et les tendances sont elles en accord avec celles suggérées par d’autres archives comme le charbon de bois des sédiments lacustres.

Une étude récente aborde ces deux questions en comparant le profil de différents proxy obtenus sur plusieurs sites groenlandais (NEEM, North GRIP, Summit, D4, et Humboldt) à l’échelle des dernières décennies, du dernier millénaire et de l’Holocène. La qualité des différents proxy y est discutée d’où il ressort que l’ammonium, le formiate, l’acide vanillique, et le carbone suie sont de bons traceurs de feux tandis que d’autres espèces (potassium, nitrate) se révèlent difficile d’utilisation. Plus important, cette étude montre que la mesure du carbone organique et de l’ammonium dans la glace permet de quantifier l’essentiel de la masse des retombées issues du panache de feux constituée d’azote et de carbone. L’examen de l’ammonium sur différents sites Groenlandais couvrant le dernier millénaire indique d’une part le Canada comme principale région source, d’autre part une nette baisse de la fréquence des feux durant le petit âge glaciaire (1600-1830) et à l’inverse une augmentation durant le dernier maximum médiéval (1200-1350). Ces fluctuations passées de l’ammonium dans la glace sont cohérentes avec celles du carbone suie et en accord avec les reconstitutions de feux basées sur l’étude du charbon de bois des sédiments lacustres du NE du continent nord Américain (Power et al., 2012).

Concernant le levoglucosan pour lequel aucun profil haute résolution n’existe à ce jour dans la glace du Groenland, une comparaison directe avec les autres proxy n’est pas facile. Nous avons néanmoins constaté que son profil à NEEM ne montre pas la même tendance que celles de l’ammonium et du carbone suie, avec une activité plus importante vers 1600 (Zennaro et al., 2014) que les auteurs attribuent à des conditions très sèches en Asie centrale. Si confirmé, Il restera alors à expliquer pourquoi le levoglucosan (et pas l’ammonium et le carbone suie) est sensible aux feux Sibériens alors que plusieurs études cinétiques récentes suggèrent que son temps de vie dans l’atmosphère serait très sensiblement plus court que supposer initialement.

Fréquence des évènements de feux de la forêt boréale au cours du dernier millénaire dérivée des profils d’ammonium obtenus dans la glace de Summit (courbe noire) et de NEEM (courbe bleue et rouge) (moyenne glissante avec fenêtre de 200 ans).

Legrand, M., McConnell, J., Fischer, H., Wolff, E. W., Preunkert, S., Arienzo, M., Chellman, N., Leuenberger, D., Maselli, O., Place, P., Sigl, M., Schüpbach, S., and Flannigan, M. : Boreal fire records in Northern Hemisphere ice cores : a review, Clim. Past, 12, 2033-2059, doi:10.5194/cp-12-2033-2016, 2016.

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