La haute résolution : vers une reconstruction plus fidèle des atmosphère passées.

L’IGE a récemment développé en collaboration avec le laboratoire voisin LIPhy des méthodes de mesure à très haute résolution (de l’ordre du centimètre) de gaz piégés dans la glace. Plusieurs millions de points de mesure du méthane, un gaz à effet de serre majeur, ont ainsi pu être obtenus. Les derniers résultats, pour la carotte de glace Antarctique de Vostok, viennent d’être publiés dans la revue "Climate of the Past". Ils ont mis en évidence une différence par rapport aux données existantes au site de WAIS-divide lors de variations rapides du méthane.

A WAIS-divide, il neige beaucoup pour l’Antarctique : environ 20 cm équivalent eau par an alors qu’au site très aride de Vostok, il neige dix fois moins. Dans les régions polaires, la neige se tasse sous l’effet du poids des couches de précipitation qui la recouvrent progressivement. Ainsi chaque couche horizontale de neige s’enfonce et se compacte jusqu’à se transformer en glace à une centaine de mètres de profondeur. Dans un intervalle de profondeur d’une dizaine de mètres, des bulles d’air, contenant du méthane, se forment progressivement. La durée du piégeage des gaz est le temps mis par une couche de neige pour traverser cette dizaine de mètres : quelques décennies à WAIS et quelques siècles à Vostok, où les couches de neige s’enfoncent beaucoup moins vite. A cause de la formation progressive des bulles d’air, un échantillon de glace de Vostok contient des gaz dont les âges s’étalent sur plusieurs centaines d’années.

Ce mélange de gaz dans une même couche atténue les variations les plus rapides de la teneur en méthane dans l’atmosphère. Lors de variations rapides du climat, comme l’événement de Dansgaard-Oeschger numéro 17 il y a 59000 ans, nos résultats montrent que les variations du méthane sont deux fois plus lissées à Vostok qu’à WAIS-divide. Cela s’explique par le piégeage plus lent des gaz dans la glace à Vostok où il neige dix fois moins. Si les carottes de glace des sites à forte accumulation comme WAIS-divide fournissent les enregistrements les plus détaillés (moins lissés), les sites à faible accumulation comme Vostok permettent de remonter plus loin dans le passé. Ainsi, notre comparaison de l’événement de Dansgaard-Oeschger numéro 17 à WAIS-divide et Vostok a pour but de quantifier l’effet de lissage à Vostok, pour pouvoir le corriger au mieux dans la partie la plus ancienne des carottes à très faible taux d’accumulation.

Cet effet de lissage était attendu, mais la surprise dans nos résultats a été la présence de couches de neige anormales de quelques centimètres d’épaisseur, dans lesquelles les gaz ont été piégés plus tôt ou plus tard que dans les couches voisines. Ces couches anormales enregistrent les variations rapides du méthane "en avance" ou "en retard" par rapport aux couches voisines et ne doivent pas être confondues avec les variations réelles du méthane dans l’atmosphère. Seules les mesures à très haute résolution permettent de bien repérer et éliminer ces anomalies.

Fonte d’un barreau de glace de Vostok pour la mesure continue du méthane. Crédit photo : Xavier Faïn
Xavier Faïn

Cette étude a été rendue possible par une collaboration franco-russe à très long terme sur les carottes de glace forées à la station russe de Vostok. Nous sommes "voisins" en Antarctique : Vostok est la base la plus proche de la station Franco-Italienne de Concordia, à 560 km. Un laboratoire International Associé permet la collaborations des glaciologues français et russes.

Photo aérienne de la station Antarctique Vostok

Référence :
Fourteau, K., Faïn, X., Martinerie, P., Landais, A., Ekaykin, A. A., Lipenkov, V. Ya., and Chappellaz, J. : Analytical constraints on layered gas trapping and smoothing of atmospheric variability in ice under low-accumulation conditions, Clim. Past, 13, 1815-1830, https://doi.org/10.5194/cp-13-1815-2017, 2017.

Lien : https://www.clim-past.net/13/1815/2017/cp-13-1815-2017.html