La glace révèle enfin le mystère de ses dislocations...

Dans un article tout juste publié dans Earth Planetary Sciences Letters, une équipe de chercheurs européens, conduite par l’Institut des Géosciences de l’Environnement et Géosciences Montpellier, a participé à percer le mystère de la nature des dislocations dans la glace.

Les dislocations sont des défauts linéaires dans la structure des cristaux, dont le mouvement est responsable de la déformation viscoplastique (ou ductile) des minéraux, métaux, céramiques et de la glace. Cette dernière a toutefois la particularité d’activer, lors de la déformation, essentiellement une famille de dislocations, les dislocations basales. Or, cette famille de dislocations ne peut pas, à elle seule, produire de déformation dans toutes les directions. Il est donc nécessaire d’invoquer d’autres modes de déformation pour accommoder des sollicitations telles que celles impliquées dans les écoulements des calottes polaires ou glaciers. Cependant, les preuves directes d’une activation d’autres familles de dislocations potentielles dans la glace manquaient.
La collaboration européenne a permis d’associer des mesures d’orientations cristallographiques à haute résolution par cryo-EBSD (analyse des clichés de diffraction de microscopie électronique obtenus par Electron BackScattering Diffraction) à Géosciences Montpellier à une nouvelle méthode d’analyse des gradients d’orientation intracristallins – le “Weigthed Burgers Vector” (Wheeler et al. 2009) et ainsi de mettre en évidence la présence de dislocations non-basales dans des échantillons de glace déformés en laboratoire. Ces dislocations possèdent un vecteur de Burgers parallèle à l’axe c de la structure cristalline et sont observées dans des sous-structures de dislocations, formant des sous-joints de grain.
Ces dislocations, qui n’avaient jamais été observées de manière aussi claire, apparaissent en quantité suffisante pour justifier leur prise en compte dans les modèles de déformation de la glace.
Elles apportent, en particulier, le chainon manquant à la chaîne des déformations élémentaires nécessaires pour expliquer la déformation viscoplastique de la glace, que ce soit en laboratoire, mais aussi et surtout, lors des écoulements des calottes polaires et des glaciers.

Sur cette figure on visualise un joint de grain (noir) séparant deux grains. En jaune sont les zones où les dislocations non-basales dominent, et celles, en bleu, où les dislocations basales (classiques) dominent. Les flèches indiquent le sens des “Weighted Burgers Vectors”. Les hexagones représentent les orientations cristallographiques principales des deux grains.

Ce travail a été effectué dans le cadre du projet ANR-13-BS09-0001 DREAM

Contact : Maurine Montagnat, IGE UMR5001, CNRS / UGA, maurine.montagnat univ-grenoble-alpes.fr

Références :
Non-basal dislocations should be accounted for in simulating ice mass flow (2017), T. Chauve, M. Montagnat, S. Piazolo, B. Journaux, J. Wheeler, F. Barou, D. Mainprice and A. Tommasi. Earth and Planetary Sciences Letters. https://doi.org/10.1016/j.epsl.2017.06.020

The weighted Burgers vector : a new quantity for constraining dislocation densities and types using electron backscatter diffraction on 2D sections through crystalline materials (2009) J. Wheeler, E. Mariani, S. Piazolo, D. Prior, P. Trimby and M.R. Drury. Journal of Microscopy, 233, 3, 482-494.