Forte pollution au Vanadium et Molybdène dans la glace du Col du Dôme : Combustions fossiles et Métallurgie en Europe

Une étude dans la glace du Mt Blanc a porté sur le vanadium (V) et le Molybdène (Mo). Ces deux métaux de transition sont des oligo-éléments essentiels pour certaines enzymes comme les nitrogénases (métallo-enzymes) permettant la fixation de l’azote par les plantes (acides aminés). Le budget atmosphérique de ces 2 espèces est perturbé par les activités humaines qui, selon Pacyna and Pacyna (2001), sont la combustion du pétrole pour V, du charbon pour Mo (l’abondance de ces 2 éléments dans les carburants fossiles trouvant son origine dans les plantes).

Les premières études de ces composés dans la glace alpine (Thèse de K. Van De Velde, 1999) avaient montré une croissance anthropique très marquée après 1950 pour Mo. Cette observation est en contradiction avec une origine liée au charbon dont la consommation européenne a essentiellement cru entre 1880 et 1930 pour se stabiliser jusqu’en 1970. Par ailleurs, les quelques mesures de V (Barbante et al., 2002) ne couvraient que quelques années entre 1961 et 1968, ce qui ne permettait pas de tester le rôle des combustions de produits pétroliers.

Notre étude des dépôts depuis 1890 dans la glace du Col du Dôme a permis d’effectuer une évaluation quantitative de la fiabilité des émissions anthropiques passées de V et Mo à partir des données de la glace. Sur la figure ci-dessous on a comparé l’évolution des concentrations dans la glace (points noirs et tendance en rouge) avec le dépôt calculé sur les Alpes par le modèle FLEXPART avec les facteurs d’émissions estimées par Pacyna and Pacyna (2001) et les statistiques de consommation de charbon et de produits pétroliers (courbes bleues).

Pour V, dont les émissions sont supposées provenir surtout de la consommation de produits pétroliers par les sources stationnaires (production d‘énergie, chauffage), l’accord entre glace et dépôt est satisfaisant indiquant une pollution marquée dans les années 70-80 suivie d’une diminution à la fin du siècle. Cette diminution ne reflète pas une décroissance de la consommation de pétrole mais un changement d’utilisation des produits pétroliers avec une demande croissante du secteur des transports qui, à l’exception notoire du trafic maritime, utilise des produits plus légers (essence) contenant beaucoup moins de vanadium.

Pour Mo, la combustion du charbon ne permet absolument pas d’expliquer les tendances observées dans la glace tant quantitativement que qualitativement avec une augmentation marquée après 1950, donc bien après que la consommation de charbon ait atteint son maximum vers 1930 en Europe. Ceci nous a amené à proposer l’existence d’une autre source anthropique non considérée jusqu’ici dans les inventaires d’émissions : la métallurgie. En effet, l’addition de Mo durcit l’acier, un phénomène bien connu depuis l’entre deux guerres, et plus des deux tiers de la production de Mo sont utilisés dans les alliages. Bien que les facteurs d‘émission soient mal connus, nos calculs indiquent que l’utilisation croissante du Mo en métallurgie entre 1950 et 1975 permet de rendre compte au moins en partie de l’augmentation observée dans la glace. D’autres types d’émission sont également à considérer comme l’utilisation du Mo comme agent lubrifiant dans les huiles de moteur de voiture dans les années 70 par exemple.

Évolutions du V (en haut) et du Mo (en bas) dans la glace du mont Blanc (points noirs et courbes rouges) et dans les dépôts simulés par FLEXPART sur les Alpes avec les émissions anthropiques estimées en Europe (en bleu pour les combustibles fossiles, en mauve en incluant la métallurgie du Mo).

Source
Arienzo, M. M., Legrand, M., Preunkert, S., Stohl, A., Chellman, N., Eckhardt, S., Gleason, K. E., and McConnell, J. R., Alpine ice-core evidence of a large increase of vanadium and molybdenum pollution in Western Europe during the 20th century, Journal of Geophysical Research-Atmospheres, DOI : 10.1029/2020JD033211

Note : Cette étude coordonnée à l’IGE a été mené avec le soutien des projets européens ALPCLIM et CARBOSOL, de l’INSU-CNRS et de l’ADEME (programme ESCCARGO).
Contacts : Susanne PREUNKERT IGE (suzanne.preunkert univ-grenoble-alpes.fr)