Fixation de l’azote atmosphérique par les éclairs volcaniques : premières archives et possible contribution au développement de la vie sur Terre

L’azote (N) est un élément essentiel de la vie. La majeure partie du N étant piégée dans le diazote (N2), une molécule atmosphérique très stable et abondante, ce N2 doit être cassé pour être utilisé par les organismes vivants. Ce processus de conversion du N2 en des formes azotées assimilables est appelé fixation de l’azote. De nos jours, la quasi-totalité de la fixation du N est réalisée par des processus biologiques et anthropiques. En revanche, sur la Terre primitive, N2 a dû nécessairement être fixé par des processus abiotiques pour permettre le développement de la vie. Un des mécanismes de fixation envisagés pour la Terre primitive est celui des éclairs générés dans les panaches volcaniques lors de grandes éruptions explosives (voir photo 1). Cependant, malgré des études théoriques et des expériences de laboratoire convaincantes, l’analyse des archives géologiques n’avait jusqu’à présent révélé aucune indication de fixation substantielle par ce mécanisme.

Photo 1 : éclairs volcaniques lors de l’éruption du volcan Calbuco (Chili ; 2015).© Francisco Negroni

Une équipe de chercheuses et chercheurs du CNRS Terre & Univers (voir encadré) a mené une étude de dépôts volcaniques néogène du Pérou et de Turquie formés par des éruptions explosives majeures (VEI>7, plus puissantes que celles observées au cours des derniers millénaires). Les résultats ont permis de découvrir des nitrates en concentrations importantes. La composition multi-isotopique de ces nitrates (δ18O, Δ17O et δ15N) indique qu’ils sont issus de l’oxydation d’oxydes d’azote (NOx = NO, NO2) par l’ozone et ont donc forcément une origine atmosphérique. L’émission directe de composés azotés par le volcanisme étant très limité, seuls les éclairs liés à l’éruption sont en mesure de produire de vastes quantités de NOx à partir du N2 atmosphérique. Le NOx ainsi produit est alors oxydé par l’ozone de l’atmosphère pour former du nitrate qui se retrouve être déposé et conservé dans les dépôts pliniens et ignimbrites (voir photo 2).

Photo 2 : gauche : Ignimbrite de la Joya (Pérou ; 4,5 Ma) / droite : Ignimbrite del Aeropuerto (Pérou ; 1,65 Ma).© Erwan Martin

L’étude de ces dépôts rend pour la première fois possible l’estimation quantitative, de façon directe, de la fixation d’azote par les éruptions explosives. Plusieurs 10-100 Tg d’azote peuvent être produits et concentrés localement dans les dépôts volcaniques, ce qui représente une source d’azote assimilable importante pour la vie à proximité. Sur la Terre primitive dont l’atmosphère était dépourvue de dioxygène, le produit final de cette fixation de N n’était vraisemblablement pas du nitrate mais des formes plus réduites de l’azote (e.g. NH3), ce qui constituait tout autant des molécules assimilables par le vivant.

Laboratoires impliqués

Laboratoires CNRS Terre & Univers impliqués :

Institut des sciences de la Terre Paris (ISTEP - ECCE TERRA)
Tutelles : CNRS / Sorbonne Université

Laboratoire Atmosphères et Observations Spatiales (LATMOS - OVSQ, ECCE TERRA)
Tutelles : CNRS / Sorbonne Université / UVSQ

Geo-Ocean (GO - IUEM)
Tutelles : CNRS / IFREMER / Université de Bretagne Occidentale

Institut des géosciences de l’environnement (IGE - OSUG)
Tutelles : CNRS / INRAE / IRD / Université Grenoble Alpes

Laboratoire des Sciences du Climat et de l’Environnement (LSCE - OVSQ)
Tutelles : CNRS / CEA / UVSQ

Autres :

Hacettepe University, Department of Geological Engineering – Ankara, Turkey.
Instituto Geológico Minero y Metalúrgico (INGEMMET), Observatorio Vulcanológico del INGEMMET – Arequipa, Peru.
Instituto Geofísico del Perú, Observatorio Vulcanológico del Sur – Arequipa, Peru.

Pour en savoir plus

A. Aroskay, E. Martin, S. Bekki, J.-L. Le Pennec, J. Savarino, A. Temel, N. Manrique, R. Aguilar, M. Rivera, H. Guillou, H. Balcone-Boissard, O. Phelip, S. Szopa (2024) Geological evidence of extensive N-fixation by volcanic lightning during very large explosive eruptions. PNAS (121) https://doi.org/10.1073/pnas.2309131121

Contact scientifique local  : J. Savarino