De possibles sites de forage localisés par modélisation thermomécanique 3D.

Publication dans The Cryosphere, 28 juin 2018

Passalacqua, O., Cavitte, M., Gagliardini, O., Gillet-Chaulet, F., Parrenin, F., Ritz, C., and Young, D. : Brief communication : Candidate sites of 1.5 Myr old ice 37 km southwest of the Dome C summit, East Antarctica, The Cryosphere, 12, 2167-2174, https://doi.org/10.5194/tc-12-2167-2018, 2018

La recherche de glace très ancienne (1,5 Ma), plus âgée que la glace du forage EPICA Dome C (0,8 Ma), constitue un défi majeur pour la communauté des carottes de glace. En récupérant des échantillons de l’air ancien et différents proxies climatiques, nous pourrons analyser une transition climatique majeure (transition du mi-Pleistocène, 1 Ma), pendant laquelle le rythme et l’amplitude des variations climatiques ont complètement changé.

Retrouver une telle archive passe d’abord par l’identification d’un site de forage adapté. Les efforts de la communauté se sont orientés sur un site prometteur dans la région de Dôme C, à environ 40 km du sommet du dôme, où un relief sous-glaciaire rend la glace suffisamment fine pour que la glace basale n’atteigne pas le point de fusion (Petit Dôme C). De précédentes études basées sur des modèles 1D assimilant des données radar ont démontré le potentiel de conservation de la glace au Petit Dôme C (Passalacqua et al., 2017 ; Parrenin et al., 2017), mais il manquait jusqu’à présent la description de l’état de contrainte de la glace dans la région, ce qui nécessite un modèle d’écoulement 3D. En particulier nous souhaitons prendre en compte la description du socle issue de la campagne radar aéroportée de 2016 (Young et al, 2017). L’objet de notre publication est de présenter une simulation 3D quasi-stationnaire permettant de calculer les cinq critères de sélection objectifs suivants :

  • L’âge de la glace.
  • Sa résolution.
  • Un indice de déformation caractérisant les risques de retournement de la stratigraphie.
  • La courbure du socle rocheux perpendiculairement à l’écoulement. En effet les zones de convergence de flux sont préjudiciables à l’âge et au processus de datation.
  • L’altitude par rapport au plus haut lac sous-glaciaire détecté par radar.

La combinaison de ces critères permet de délimiter les endroits a priori les plus favorables. En particulier, le sommet du relief sous-glaciaire n’est pas sélectionné, car la glace y est trop peu épaisse, et la résolution serait insuffisante. De même se placer au pied du relief, là où la glace est très épaisse, est favorable à une bonne résolution, mais nous prendrions des risques liés à une éventuelle fusion basale. Il vaut mieux se placer à mi-hauteur sur les flancs du relief et privilégier les sites pour lesquels les trajectoires sont les plus courtes (de 5 à 10 km). De plus, en se plaçant à l’aplomb de la ligne de crête, on bénéficie d ‘un effet d’épaississement des couches de glace profondes par rapport à leur voisines latérales (effet de Raymond). Les meilleures résolutions sont donc en général diagnostiquées sous la ligne de partage.

Les régions en jaune valident les 5 critères de sélection, et les points de couleur indiquent les sites de forage les plus favorables. En particulier les points orange et jaune correspondent à des trajectoires très courtes, donc susceptibles de subir peu de perturbations.

Les principales incertitudes de l’étude sont liées à l’absence de prise en compte des mouvements du dôme, qui modifient complètement les trajectoires et les états de contraintes. Malheureusement, les mouvements passés du dôme ne sont pas connus, donc les prendre en compte ne renforcerait pas beaucoup notre assurance d’avoir un meilleur site de forage. Pour se prémunir de cette incertitude, il vaut mieux sélectionner des sites positionnés sur des sommets sous-glaciaires, ce qui permet de limiter l’influence de la forme du socle selon la trajectoire effective.

Nous allons maintenant pouvoir focaliser notre attention sur les quelques sites présélectionnés ici pour procéder à une dernière campagne radar à haute résolution in-situ, à la suite de laquelle se fera le choix définitif en fonction des taux de déformation verticaux mesurés et de la forme du relief sous-glaciaire.

Modèle utilisé : Elmer/Ice (elmerice.elmerfem.org)

Références :

Parrenin, F., Cavitte, M. G. P., Blankenship, D. D., Chappellaz, J., Fischer, H., Gagliardini, O., Masson-Delmotte, V., Passalacqua, O., Ritz, C., Roberts, J., Siegert, M. J., and Young, D. A. : Is there 1.5-million-year-old ice near Dome C, Antarctica ?, The Cryosphere, 11, 2427–2437, https://doi.org/10.5194/tc-11-2427-2017, 2017.

Passalacqua, O., Ritz, C., Parrenin, F., Urbini, S., and Frezzotti, M. : Geothermal flux and basal melt rate in the Dome C region inferred from radar reflectivity and heat modelling, The Cryosphere, 11, 2231–2246, https://doi.org/10.5194/tc-11-2231-2017, 2017.

Young, D. A., Roberts, J. L., Ritz, C., Frezzotti, M., Quartini, E., Cavitte, M. G. P., Tozer, C. R., Steinhage, D., Urbini, S., Corr, H. F. J., van Ommen, T., and Blankenship, D. D. : High-resolution boundary conditions of an old ice target near Dome C, Antarctica, The Cryosphere, 11, 1897–1911, https://doi.org/10.5194/tc-11-1897-2017, 2017.