Concentrations de polyols et glucose particulaires : traceurs d’aérosols organiques d’origine biogénique sur 28 sites en France.

La pollution atmosphérique particulaire (PM) est un problème majeur de santé publique. Les divers effets délétères des PM sont étroitement liés à leur nature très complexe et variable : concentration, surface spécifique, composition chimique. La matière organique (MO) constitue la fraction majoritaire des PM, et elle est pourtant très mal caractérisée (20% en masse, au maximum). En particulier, les différentes sources dont sont issus ces composants organiques sont mal identifiés, et une grande partie de la communauté de chimie atmosphérique admet l’hypothèse que la majeure partie de la fraction inconnue de la MO proviendrait de ce qu’on appelle les « processus de formation secondaire » à partir des composés organiques volatils (COV) gazeux. Une question scientifique non résolue reste cependant la détermination des contributions massiques de sources biogéniques primaires (émissions directes par les bactéries et champignons par exemple), qui demeurent très peu documentées à ce jour.
Pour aborder cette question, nous avons entrepris une étude visant à identifier les sources et caractériser l’importance des aérosols organiques particulaires d’origine biogénique primaire. Ce travail repose principalement sur une synthèse originale d’ampleur inédite (plus de 5 400 échantillons) de séries (multi)annuelles de mesures de PM sur 28 sites en France, menées et analysées, pour la plupart, par ou avec l’IGE sur les 6 dernières années. Les outils analytiques (en partie acquis grâce à des financements OSUG et IGE pour le plateau Air-O-Sol) permettent de mesurer les polyols qui sont des traceurs de ces émissions biologiques (les polyols servent notamment d’osmo-protecteurs que les microorganismes synthétisent et accumulent en conditions de stress environmental [1]).
Le traitement des données a été réalisé par des méthodes avancées et innovantes de PMF (Positive Matrix Factorisation), qui permettent d’évaluer l’importance des différentes sources de PM sur un site récepteur. Ce traitement, appliqué sur une partie des séries de prélèvements, a permis d’identifier systématiquement sur chaque site une source d’aérosols organiques biogéniques primaires (PBOA), dont le profil chimique est assez stable sur l’ensemble des sites étudiés.

Les premiers résultats de nos travaux de recherche [2] montrent qu’une fraction considérable (13±4 % de l’OM en moyenne massique annuelle, voire jusqu’à 40% pour les sites localisés dans la vallée de l’Arve, cf figure 1) est en fait issue de ces émissions primaires directes associée à la biomasse fongique ou à des champignons spécifiques des plantes (les endophytes et epiphytes). Cela change assez fortement la vision des sources principales des PM en vigueur actuellement.

De plus, les résultats d’un premier travail connexe [3] effectué à l’IGE avaient montré que la fraction biogénique des PM (en particulier les spores fongiques) avaient un rôle important et jusqu’alors négligé sur le potentiel oxydant (un proxy de l’effet sanitaire) des aérosols.
Ces travaux se prolongent actuellement avec une étude plus approfondie des dynamiques spatiales des concentrations journalières de polyols sur une vingtaine de ces sites, à différentes échelles spatiales (locale à nationale) [4], ainsi qu’avec une étude reliant la chimie et la microbiologie des échantillons afin de mieux préciser les processus entrant en jeu dans ces émissions biogéniques.

[1Golly B, Waked A, Weber S, Samaké A, Jacob V, Conil S, Rangonio J, Chrétien E, Vagnot MP, Robic PY, Besombes JL and Jaffrezo JL (2019) : Organic markers and OC source apportionment for seasonal variations of PM2.5 at 5 rural sites in France. Atmos. Envir., (198), 142-157, doi.org/10.1016/j.atmosenv.2018.10.027

[2Samake A, Jaffrezo JL, Favez O, Weber S, Jacob V, Albinet A, Riffault V, Perdrix E, Waked A, Golly B, Salameh D, Chevrier F, Oliveira D, Bonnaire N, Besombes JL, Martins JMF, Conil S, Guillaud G, Mesbah B, Rocq B, Robic PY, Hulin A, Le Meur S, Descheemaecker M, Chretien E, Marchand N, and Uzu G. (2019) : Polyols and Glucose Particulate Species as Tracers of Primary Biogenic Organic Aerosols at 28 French Sites. Atmos. Chem. Phys., accepted on 27/02/2019. https://www.atmos-chem-phys-discuss.net/acp-2018-773/.

[3Samake A, Uzu G, Martins JMF, Calas A, Vince E, Parat S and Jaffrezo JL (2017) : The unexpected role of bioaerosols in the Oxidative Potential of atmospheric Particulate Matter. https://www.nature.com/articles/s41598-017-11178-0

[4Samake A, Jaffrezo JL, Favez O, Weber S, Jacob V, Albinet A, Charron A, Riffault V, Perdrix E, Waked A, Golly B, Salameh D, Chevrier F, Oliveira D, Besombes JL, Martins JMF, Bonnaire, N Conil S, Guillaud G, Mesbah B, Rocq B, Robic PY, Hulin A, Le Meur S, Descheemaecker M, Chretien E, Marchand N, and Uzu G. (2019) Polyols and Glucose Particulate Species as Tracers of Primary Biogenic Organic Aerosols at 28 French Sites : spatial scale variability and influence of environmental factors on ambient air concentrations Atmos. Chem. Phys., in prep.