Réchauffement exacerbé dans les Hautes Montagnes d’Asie

 

 

L’étude du changement climatique dans les Hautes Montagnes d’Asie et le Plateau Tibétain est cruciale notamment parce que cette région est en partie couverte de glaciers et de neige qui constituent une ressource en eau conséquente pour près de 1,4 milliard d’habitants (Figure 1). Outre son impact sur la couverture neigeuse, le changement climatique dans les Hautes Montagnes d’Asie affecte également le pergélisol et les glaciers, intensifie la désertification et affecte le cycle hydrologique, des conséquences susceptibles d’impacter fortement l’agriculture, l’approvisionnement en eau potable et la production hydroélectrique.

Figure 1 : Image satellite composite de la chaîne de l’Himalaya et du plateau tibétain. (Crédit : NASA)

Pour anticiper les évolutions du climat et de la ressource en eau dans la région au cours du prochain siècle, la modélisation est un outil précieux. Nous avons utilisé dans cette étude la dernière génération de modèles de circulation générale (https://www.encyclopedie-environnement.org/climat/modeles-climat/, GCM en anglais). Ces modèles ont une résolution de l’ordre de 100 km, trop grossière pour décrire les évolutions climatiques à l’échelle locale, mais ils sont particulièrement intéressant pour simuler la réponse globale du système climatique aux émissions de gaz à effet de serre, et ils permettent tout de même d’avoir une vision des évolutions climatiques à l’échelle régionale.

Figure 2 : Climate change in the High Mountain Asia in CMIP6 (Lalande et al. 2021) - CC BY 4.0

Notre étude montre que le changement climatique dans les Hautes Montagnes d’Asie pourrait se traduire par une hausse des températures comprise entre +1,9 °C et +6,5 °C à la fin du siècle par rapport à la moyenne 1995-2014 en fonction des scénarios d’émissions de gaz à effet de serre (Figure 2). Ce réchauffement est associé à une diminution relative de l’étendue de la couverture neigeuse estimée entre -9,4 % et -32,2 %, et une augmentation des précipitations comprise entre 8,5 % et 24,9 %. Ce réchauffement est 11 % plus rapide dans cette région du monde par rapport aux autres surfaces continentales de l’hémisphère nord (en excluant la région Arctique, elle aussi caractérisée par un réchauffement exacerbé).

Dans un scénario de limitation drastique des émissions de gaz à effet de serre, limitant la hausse de température globale à +2 °C par rapport à la période préindustrielle [1], le réchauffement est stoppé autour des années 2060-2080, avec des tendances de température, de précipitation et du couvert neigeux qui s’inversent à la fin du 21ème siècle.

Notre étude pointe aussi les faiblesses des modèles actuels dans cette région du monde, expliquées notamment par la difficulté à simuler le climat dans des régions au relief accidenté avec des sommets atteignant plus de 8000 mètres d’altitude. Il y a donc encore du travail pour améliorer les modèles de circulation générale dans cette région du monde ! Ce travail est par ailleurs particulièrement délicat en raison du manque symptomatique d’observations dans cette région du monde. Dans ce sens, nos travaux actuels visent à contribuer à l’amélioration des modèles de climat dans les régions de montagne.

 

 

 

 

 

 

Lalande et al., 2021. Climate change in the High Mountain Asia in CMIP6.
Earth Syst. Dynam., 12, 1061–1098, 2021


Auteur : Mickaël LALANDE - 10/11/2021

[1Le réchauffement actuel (2010-2019) a déjà atteint +1.1 °C à l’échelle globale par rapport à la période préindustrielle (1850-1900). Ce même réchauffement est exacerbé sur les surfaces continentales par rapport aux océans. Il faut considérer la Figure 2 avec précaution, car elle est basée sur des changements qui concernent une échelle locale et une période différente de celle sur lesquelles reposent les objectifs de limitation à +2 °C de la température moyenne globale (Accord de la COP21 à Paris : https://unfccc.int/fr/processus-et-reunions/l-accord-de-paris/l-accord-de-paris).