Décès de Claude Rado, 1940-2024
Claude faisait partie de l’équipe technique du laboratoire de glaciologie et depuis son arrivée sur Grenoble en 1970. Claude s’intéressait à tout, il était multitâche et avait le sens de la mesure géophysique et de la recherche. Chercheurs et thésards en glaciologie, nous lui devons beaucoup.
Au côté de François Gillet, Daniel Donnou, Guy Ricou entre autres collègues techniciens, il a contribué à la construction de carottiers et participé à de nombreuses missions sur le terrain dans les Alpes, au Groenland et en Antarctique pour la réalisation de forages dans la glace, conduire les mesures géophysiques telle celle de température dans les trous de forage, ou encore réalisé des prélèvements de neige dans les conditions très propres permettant les analyses fines de chimie.
Il a participé à la réalisation des premiers forages au laboratoire tels ceux du Col du Midi, forage thermique -180m (1970, 1971) puis celui de Terre Adélie forage de D10 300m (1972, 1974), et surtout celui de Dôme C-900 m (1978, 1979, 1980) à l’origine de belles premières, donnant les lettres de noblesse au laboratoire et (enfin) à la glaciologie.
Au côté de François Gillet, et Guy Marec, Marcel Maitre, Claude a contribué à la construction et aux tests de la sonde thermique « Climatopique » à Dôme C puis à Pôle Sud (1980-1984). Ce projet dans lequel Claude s’est largement investi, aurait permis les prélèvements d’eau pour les mesures isotopiques, mais s’est avéré plus complexe à réaliser : le fluide forage contaminant les échantillons.
En 1988, Claude a participé au projet de forage au Groenland de Eurocore au côté de R Delmas. Ce programme monté dans le cadre du projet de reconstitution des pluie acides sur l’Europe de R Delmas, fut aussi une première dans la collaboration européenne. Bien qu’il en essuyât les plâtres de l’apprentissage des européens à travailler (enfin) ensemble, ce fut historiquement un succès puisque suivirent les projets européens de GRIP (1989-1992), le lancement d’EPICA (1995-2004) et aujourd’hui le projet Beyond EPICA Old Ice (BEOI).
Et puis, entre deux missions dans les Alpes, on a sollicité Claude pour les missions à Vostok (pas moins de quatre en 10 ans -1992, 1994, 1997-1998) et la collaboration avec les Soviétiques-Russe et les Américains. Avec la réalisation de forages (BH3, BH4, BH5, BH6…dont on bénéficie encore des carottes), et « tout le bazar » associé à ce projet voué à l’échec, il a contribué à la mise en place du casing sur le forage existant de 5G, indispensable à la bonne poursuite des opérations.
Claude était un compagnon de route agréable apprécié aussi par ses collègues étrangers : il assurait et rassurait. Il cumulait à ses qualités techniques et physiques, sa culture et sa sensibilité au monde qu’il partageait toujours avec humour : sensibilité au point d’en être victime quelques fois. On ne peut oublier ses sketches des années 80 au moment de la fête du labo, ni ses textes narrant les situations ubuesques qu’il rencontrait lors des missions sur le terrain !
Merci Claude !
Nos pensées vont à sa famille.
– MÉMOIRES D’UN VIEUX CON GELÉ, manuscrit inédit de Claude Rado.
Extrait : Dome C 1978, après une avarie de carottier, Lorius chef de mission, était invité à s’éloigner du site de forage, pour le camp français, le temps que les foreurs sous la houlette de Daniel Donnou, trouvent une solution. Une fois l’opération réussie Claude donne des nouvelles à Lorius à la radio !
« …..J’ai envie de m’éclater, alors je vais à la radio et entre en contact avec le camp Français. Voix inquiète de Lorius, pas du tout du genre « Les Français parlent aux français ! » Plutôt du genre « Et pour vot’ mari, m’dame Pichon, y a vraiment plus d’espoir ? »
– Alors, vous avez pu faire quelque chose ?
– Ben oui, Claude, on a réussi à accrocher la tête, ça s’est bien passé, trop bien même, parce que la tête, elle fait la mauvaise tête, elle ne veut rien savoir, si bien que c’est tout le carottier qui se trouve coincé. À toi.
Cinq secondes de silence, puis une voix de moribond.
– Et… Vous envisagez de couper le câble ? À toi.
– Ben, c’est qu’on peut plus parce que, par une fausse manœuvre, le câble s’est détaché du treuil et tout est dans le trou. À toi.
Râle d’agonie dans le haut-parleur. Comme quoi, et les hommes politiques l’ont bien compris, plus que c’est gros, mieux que ça passe !
Daniel, qui vient d’arriver et qui a entendu ma dernière phrase, me dit :
– Arrête tes conneries, tu vas le faire claquer !
– Ok. Allo Claude, tu me reçois ? Bon – Je crois qu’on s’est mal compris tout à l’heure. En réalité, le câble ne s’est pas déroulé dans le trou, c’était une fausse rumeur. On a donc remonté le câble avec, au bout, le carottier. Tu me reçois toujours ? Bon, et au bout du câble, il y avait la tête. Si tout va bien, prochaine carotte prévue dans une heure. Ça te va ? À toi.
Cinq secondes de silence. Et un hurlement m’arrache le tympan droit :
– Salaud ! Ah le salaud ! Bravo les kikis !
Vous êtes les meilleurs. On rentre aujourd’hui même ! »