RECONSTRUCTION DES SOURCES DE POLLUTION SUR LE DERNIER SIÈCLE EN EUROPE : ANALYSE ISOTOPIQUE DU SOUFRE, DE L’AZOTE ET DE L’OXYGÈNE CONTENU DANS LA CAROTTE DE GLACE ICE MEMORY DU COL DU DÔME (MT BLANC).

Alexis Lamothe (2020-2023)

Directeur : Joël Savarino
Financement : bourse ministérielle

Le 20ème siècle restera comme celui de l’anthropocène. Cette période, caractérisée par le bouleversement introduit par l’utilisation massive et à grande échelle des énergies fossiles, laisse et laissera de profondes cicatrices environnementales dont on n’est pas sûr que l’humanité telle que nous la connaissons s’en remettra. L’urgence environnementale et écologique est là, devant nos yeux. Quelles actions devons-nous entreprendre pour réduire nos impacts ? Quels effets ses actions auront-ils ? A quelle échelle de temps ? Pour répondre à ces questions de fonds qui nécessitent de prendre des décisions lourdes de conséquences environnementales, sociales et économiques, il est nécessaire et impératif de disposer de la meilleure et plus complète information possible afin que les décisions soient prises avec le plus haut niveau de certitude. Si la modélisation s’appuyant sur un ensemble de processus déterministe, statistique et aléatoire que l’on connait (ou suppose connaitre) permet de dresser des trajectoires futures probables, l’étude des archives passées révélant les réponses du système Terre à des sollicitations internes ou externes restent encore le meilleur moyen d’appréhender les conséquences de nos actions. Le présent projet vise à extraire d’une archive glaciologique les bouleversements que la révolution industrielle a produit sur la composition chimique des aérosols à l’échelle de la région alpine et du continent européen. Il s’agira à partir d’une carotte de glace prélevée en 2016 sur le glacier du Col du Dôme, Mont Blanc (4250 m, température moyenne annuelle -12 °C, (Preunkert et al., 2000) dans le cadre du projet IceMemory d’établir les dynamiques temporelles d’évolutions de l’environnement proche du site. A partir de traceurs des cycles naturelles et anthropiques (aérosols de sulfate, nitrate, ammonium), nous révélerons pour la première fois les compositions isotopiques S, N, O des différences sources d’émissions liées à ces traceurs biogéochimiques, du début du 20ème siècle à nos jours. Ce travail permettra d’établir une relation sources - compositions isotopiques, élément à la base de l’utilisation du traçage isotopique. Si ce type de travail a déjà débuté sur de la glace du Groenland (Hastings et al., 2009 ;Felix and Elliott, 2013), l’éloignement du site des sources de pollution complique significativement l’attribution des sources naturelles et anthropiques au bilan des aérosols du fait des interactions complexes entre le transport depuis différentes zones sources, les conversions gaz-aérosols et les processus de lessivage et de dépôt. A l’autre extrême du spectre, les inventaires focalisées sur les compositions isotopiques de source à source (Walters et al., 2015 ;Felix et al., 2012 ;Smirnoff et al., 2012 ;Felix et al., 2013) présentent des hétérogénéités et des variabilités (par exemple pour les véhicules : type de moteur, régime, type de carburant, âge du véhicule, etc.) difficile à prendre en compte dans les études d’impacts (Widory, 2007 ;Nanus et al., 2018 ;Chang et al., 2016). L’approche ici est de se situer à mi-chemin entre ces deux extrêmes, à savoir assez proches des sources pour bien les caractérisées et assez distant pour lisser les hétérogénéités locales. De plus, la proximité du site d’étude avec les grands centres économiques européens apportera des réponses en lien directe avec nos usages et pratiques. Cet échelon spatial, du régional au continental est le maillon pertinent pour la mise en place de politiques environnementales efficaces, au plus proche des préoccupations sociétales. Le présent projet s’inscrit dans le programme international IceMemory, projet porté par la fondation UGA comme membre fondateur et patronné par l’UNESCO. IceMemory part du constat que l’information passée préservée dans les glaces de glaciers de haute montagne est une ressource inestimable pour déchiffrer le fonctionnement de notre environnement, et est la seule archive paléo-environnementale à être en lien direct avec l’atmosphère. Or l’atmosphère est le bras armé des changements environnementaux. C’est dans ce compartiment que transite l’essentiel des modifications environnementales à l’échelle décennale (température, précipitation, qualité de l’air, luminosité, redistribution d’énergie). Or ces précieuses archives sont en danger, non par une disparition brutale et soudaine induite par le réchauffement climatique mais par des fontes estivales répétées et prolongées entrainant une percolation de l’eau de fonte, un mélange de couches de neige et la perte définitive de la résolution annuelle des couches de neige et de l’information physico-chimique qu’elles contiennent.

Mots clés : anthropocène, cycles biogéochimiques, spectrométrie de masse, Alpes, Analyses flux continu