Peut-on continuer à utiliser Tillandsia capillaris, plante épiphyte Andine, comme un bioindicateur low-cost de la qualité de l’air en Amérique Latine ?

La pollution atmosphérique dans les mégalopoles a un impact majeur sur la santé humaine et la qualité de l’environnement. Une alternative à l’utilisation de filtres pour identifier les polluants environnementaux contenus dans ces particules tels que les métaux lourds consiste à utiliser des espèces bioindicatrices. Les Tillandsias capillaris sont des plantes épiphytes de la famille de Broméliacées qui sont souvent utilisées dans des études de surveillance de la qualité de l’air, car elles puisent tous leurs nutriments de l’atmosphère.

Comparaison de la dynamique des métal(loïdes) dans la plante épiphyte T.capillaris et des filtres passifs. (Schreck, Sarret et al. 2016)

L’objectif principal de cette étude était de savoir si cette espèce, adaptée au climat andin, pouvait servir d’espèce bioindicatrice de la qualité de l’air au niveau de la ville minière d’Oruro (Bolivie) , aux multiples sources de pollutions (trafic, émissions de fonderies, extraction minère). Une cinétique de bioaccumulation dans le temps a été réalisée et comparée à chaque fois avec des filtres passifs d’un point de vue qualitatif et quantitatif .Trois zones avec différents niveaux de contamination ont été suivies pendant six mois en 2012. Les résultats font clairement ressortir une forte pollution au niveau de la fonderie d’étain à l’Est de la ville. Au niveau de cette zone, les Tillandsias présentent une saturation voire une perte en éléments métalliques à partir de 4 mois d’exposition alors que les filtres passifs présentent une accumulation linéaire. Ceci, nous amène à conclure que dans le cas de forte pollution métallique, cette plante, non-hyper accumulatrice, n’est pas adaptée sur un suivi long terme (>4 mois). Par contre, pour des zones urbaines moins exposées aux métaux atmosphériques, cette plante reflète bien les niveaux de métaux présents dans l’air et permet d’intégrer cette pollution sur des périodes bien plus longues que des études sur des filtres et donc de limiter les coûts.

Pour le plomb et l’arsenic, métal(loid)s présentant des bioaccumulations importantes, leur spéciation a été étudiée par spectroscopie XAS (ESRF, Grenoble). Ceci a permis de mieux comprendre la composition et l’origine des particules atmosphériques et leur dynamique après le dépôt sur la plante. En effet, des différences de spéciation de Pb ont été observées entre les sites, suggérant des sources différentes, et des changements de spéciation pour Pb et As ont été observées dans les végétaux et les filtres passifs, suggérant des réactions biotiques et abiotiques. Des particules métalliques ont été identifiées sur la surface de la plante et au niveau du bouclier central sous les trichomes (régissant les échanges nutritionnels) suggérant une potentielle voie d’entrée dans la plante. Pour le plomb, des espèces adsorbées et/ou des complexes au niveau des parois cellulaires ont été identifiés dans la plante. Aucune espèce, As(III)-S, indicatrice de la detoxification de l’As n’a été identifiée. Ainsi, les contaminants atmosphériques particulaires ont subi des transformations chimiques après avoir été pris au piège par les plantes , mais cette étude n’a pas permis d’exhiber de preuve claire d’internalisation ou de détoxification.

Finalement, dans la présente étude, les filtres passifs se sont avérés plus fiables que les T. capillaris transplantés bien que les spécimens naturels aient fourni quelques indications sur la contamination locale.

Schreck, E., G. Sarret, P. Oliva, A. Calas, S. Sobanska, S. Guédron, F. Barraza, D. Point, C. Huayta, R.-M. Couture, J. Prunier, M. Henry, D. Tisserand, S. Goix, J. Chincheros and G. Uzu (2016). "Is Tillandsia capillaris an efficient bioindicator of atmospheric metal and metalloid deposition ? Insights from five months of monitoring in an urban mining area." Ecological Indicators 67 : 227-237.