Les régions polaires communiquent via des processus océaniques lents et atmosphériques rapides

Des scientifiques ont documenté une connexion climatique entre l’océan atlantique Nord et l’Antarctique en deux parties : une connexion atmosphérique rapide et une connexion océanique bien plus lente. Cette connexion est visible lors des changements climatiques rapides qui ont eu lieu pendant le dernier âge glaciaire, et qui pourrait également survenir dans le futur.

Dans une nouvelle étude publiée le 28 novembre 2018 dans Nature, une équipe internationale de scientifiques décrivent comment des changements climatiques extrêmement rapides survenus il y a 60 000 à 12 000 ans trouvent leur origine du renforcement et de l’affaiblissement répété du courant océanique qui réchauffe le Groenland et l’Europe en apportant des eaux chaudes des tropiques via le Gulf Stream. Ce courant est connu comme la Circulation Méridienne de Retournement Atlantique (CMRA).

Cette nouvelle recherche documente comment l’Atlantique Nord communique ces événements extrêmes à l’opposé du globe, en Antarctique.

« L’Atlantique Nord envoie des messages en Antarctique à deux échelles de temps différentes », explique Christo Buizert de l’Université d’État de l’Oregon aux Etats-Unis d’Amérique. « La connexion atmosphérique est quasi-instantanée, alors que la connexion océanique prend plus longtemps, de l’ordre de 200 ans ».

« Lorsque l’Atlantique Nord se réchauffe à cause du renforcement de la CMRA, tout l’Antarctique va se refroidir à cause de changement océanique. Cela commence avec un changement des vents, mais l’océan a un impact bien plus important deux siècles plus tard. »

Durant le dernier âge glaciaire, cette CMRA était d’habitude très faible, plongeant la région de l’Atlantique Nord dans des conditions froides. Mais occasionnellement, elle se renforçait très rapidement, causant un réchauffement rapide au Groenland de 10 à 15°C et ayant des répercutions jusqu’en Antarctique.

Les conditions atmosphériques changeaient immédiatement et les vents d’Ouest soufflant autour de l’Antarctique se décalaient en dehors du continent, ce qui créait un réchauffement dans certaines parties de l’Antarctique et un refroidissement dans d’autres. La deuxième partie de l’impact, bien plus lent, était un refroidissement de l’océan australe qui prenait 200 ans.

« L’étude explique pourquoi les climats du Groenland et de l’Antarctique n’étaient pas exactement en phase au cours du temps » explique Justin Wettstein, de l’Université d’État de l’Oregon, un co-auteur de l’étude.

« C’est la première fois que l’on peut voir si clairement les mécanismes climatiques sur des échelles de temps plus longues que nos observations météorologiques. » explique Justin Wettstein. « Cela nous permet de voir comment le Groenland et l’Antarctique étaient connectés bien avant que des humains se promènent avec des thermomètres pour mesurer la température. Ainsi nous allons pouvoir améliorer nos modèles climatiques. »

Pour reconstruire le climat, les chercheurs ont examiné des carottes de glace de 5 endroits différents en Antarctique qu’ils ont synchronisés grâce à des couches volcaniques. « Ces nouvelles découvertes ont été rendues possiblement en combinant des données de plusieurs carottes de glace datées précisément. C’est une nouvelle tendance de la recherche sur les carottes de glace » explique Frédéric Parrenin, chercheur CNRS à l’Institut des Géosciences de l’Environnement à Grenoble, co-auteur de l’étude et spécialiste dans l’analyse de données et la datation.

Les données d’observation et de modèles climatiques montrent que la CMRA s’affaiblit en ce moment à cause du réchauffement climatique. Les chercheurs de l’étude prédisent que si le passé est un bon guide pour le futur, l’affaiblissement de la CMA pourrait réduire la puissance de la mousson asiatique de laquelle dépendent des milliards d’humains pour leur subsistance. Le changement de caractéristique des vents dans l’hémisphère sud pourraient aussi réduire la capacité de l’océan d’absorber du CO2, renforcement d’avantage l’effet de serre.

Référence :
Buizert, C., Sigl, M., Severi, M., Markle, B. R., Wettstein, J. J., McConnell, J. R., Pedro, J. B., Sodemann, H., Goto-Azuma, K., Kawamura, K., Fujita, S., Motoyama, H., Hirabayashi, M., Uemura, R., Stenni, B., Parrenin, F., He, F., Fudge, T. J. and Steig, E. J. : Abrupt ice-age shifts in southern westerly winds and Antarctic climate forced from the north, Nature, 563(7733), 681, doi:10.1038/s41586-018-0727-5, 2018.

Financement :
Coté français, ce projet a été financé par le programme INSU/LEFE (projets IceChrono et CO2Role) et par la fondation Ars Cuttoli (projet CO2Role).

Contact :

Frédéric Parrenin, Directeur de Recherche au CNRS
Institut des Géosciences de l’Environnement, Grenoble
frederic.parrenin univ-grenoble-alpes.fr
06.27.86.27.82 / 04.76.82.42.65.

Schémas de scénarii possibles