Datation des couches basales des glaciers de moyenne latitude : Des améliorations dans la datation au 14C

Par PREUNKERT Susanne, 13 Novembre 2017

La datation des couches inférieures et basales d’un glacier fait appel à la mesure du carbone 14 de la matière organique particulaire présente dans la glace. Le choix de cette fraction (et non du carbone dissous, pourtant plus abondant) est dicté par la production in situ à haute altitude de 14C (spallation de l’oxygène de la molécule d’eau par le rayonnement cosmique) et sa fixation sur certaines molécules organiques présentes dans le carbone dissous de la neige des glaciers de haute altitude, ce qui donnerait des âges plus jeunes pour la glace. Si la fraction organique particulaire présente dans la glace ne contient que des fines particules de débris végétaux ou de combustion de biomasse, sa teneur en 14C permet de dater la couche de glace. Les études antérieures ont néanmoins alerté sur le fait que la présence de poussières sahariennes dans la glace Alpine aboutissait à des âges trop vieux sans pour autant clairement établir un lien de cause à effet (décarbonatation incomplète, présence de matière organique très ancienne).

Fig.1. Dispositif de filtration-combustion REFILOX.

Une nouvelle méthode d’extraction/mesure du 14C du carbone particulaire de la glace a été mise au point à l’Institut für Umweltphysik de l’Université de Heidelberg avec notre concours. La première amélioration réside dans la construction d’une ligne d’extraction compacte réalisant en une seule étape (au lieu de trois), la décarbonatation, la filtration et l’oxydation en CO2. Ce dispositif, appelé REFILOX (Fig. 1), réduit nettement le risque de contamination et par la même la quantité de glace nécessaire à une mesure confortable du 14C. Ainsi, il devient possible de mesurer le 14C sur 300 grammes de glace contenant 10-50 ppbC de carbone particulaire.

Ma méthode a tout d’abord été étalonnée sur des filtres d’aérosol atmosphérique collectés durant le projet Européen CARBOSOL (Legrand and Puxbaum, 2007). Ceci a, en particulier, permis de comprendre l’origine du biais engendré par la présence de sable saharien : Une fraction organique particulaire très âgée ne s’oxydant qu’au delà de 380°C (contrairement au débris végétaux classiques qui sont oxydés en dessous de 380°C).

Cette méthode a ensuite été appliquée à la glace du Colle Gnifetti dans les Alpes Suisses (Fig. 2). Ces analyses montrent que l’âge de la glace basale date d’il y a environ 4000 ans. Elles révèlent par contre une énigmatique discontinuité dans la relation âge-profondeur (symboles verts sur la Figure 2). Nous travaillons sur cette question, souvent éludée dans les études antérieures de la glace des Alpes. Vue la demande actuelle de préparation d’échantillons, le dispositif REFILOX sera opéré à l’IGE à partir de la fin 2017 durant l’hivernage d’Hélène Hoffmann en Antarctique (Neumayer).

Fig. 2. Age des couches basales d’une carotte KCC forée au Colle Gnifetti (points verts) et comparaison avec les valeurs obtenues sur une autre carotte CG03 par Jenk et al. (2009)

Contact : Susanne Preunkert

Lien des articles :

Jenk et al. (2009) : http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1029/2009JD011860/abstract

Legrand and Puxbaum (2007) : http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1029/2006JD008271/full

Hoffmann et al.(2017) :
https://www.cambridge.org/core/journals/radiocarbon/article/new-sample-preparation-system-for-micro14c-dating-of-glacier-ice-with-a-first-application-to-a-high-alpine-ice-core-from-colle-gnifetti-switzerland/C272F431352F56F00B4FDC772E361120#