Circulation océanique et amincissement de la banquise induits par la fonte sous les terminaisons flottantes des glaciers de la Mer d’Amundsen.

Des chercheurs de l’Institut des Géosciences de l’Environnement, en collaboration avec des chercheurs anglais et australiens, ont utilisé des simulations numériques pour établir les liens entre la circulation océanique, la glace de mer, et la fonte sous les terminaisons flottantes (ice shelves) des glaciers de la Mer d’Amundsen, en Antarctique.

La région de la Mer d’Amundsen a subi les plus importants reculs de glaciers en Antarctique ces dernières décennies, et a donc contribué de façon significative à la hausse du niveau des mers. Il est généralement admis que les eaux relativement chaudes de l’Océan Austral sont en mesure de changer la fonte sous-glaciaire, et donc la dynamique des glaciers. En revanche, on savait jusqu’à présent peu de choses sur l’effet inverse, à savoir la capacité de la fonte sous-glaciaire à modifier la circulation océanique loin des glaciers.

Figure 1 - Circulation et flux de chaleur induit par une augmentation de fonte de 1mSv (=1000m3/s) sous une terminaison flottante de la Mer d’Amundsen. Les flux volumiques sont en noir, et les flux de chaleur en rouge.

Dans cette étude, les chercheurs ont simulé la circulation océanique dans la Mer d’Amundsen, incluant la représentation de l’océan et de la fonte sous sept terminaisons flottantes de glaciers (Getz, Crosson, Dotson, Thwaites, Pine Island, Cosgrove, Abbot). Ils ont ensuite fait varier la fonte sous ces glaciers en modifiant artificiellement les coefficients d’échanges de chaleur à l’interface eau/glace, et en ont déduit la part de la circulation liée à la fonte sous-glaciaire. A l’intérieur de la cavité (partie de l’océan sous le glacier), le volume entrainé par la fonte est 100 à 500 fois plus importante que le volume de fonte lui-même (Figure 1). Ceci a pour conséquence de faire remonter une importante quantité de chaleur vers la partie supérieure de la cavité, puis vers la surface libre de l’océan qui est éventuellement couverte de glace de mer (banquise).

En conséquence, une augmentation de la fonte sous-glaciaire, telle qu’observée ces dernières décennies, est en mesure de diminuer la quantité de glace de mer le long des fronts de glaciers de la Mer d’Amundsen (Figure 2). Il est donc possible que ceci explique une partie des tendances de décroissance de la banquise observées dans cette région. Enfin, il s’avère que la fonte sous-glaciaire affecte le courant Antarctique côtier, qui serait environ 2 fois moins intense s’il n’y avait pas de fonte sous-glaciaire.

Figure 2 - Épaisseur moyenne de glace de mer perdue par unité de taux de fonte sous-glaciaire (unités : m/Gt/yr, d’après Jourdain et al. 2017). La calotte Antarctique est représentée en gris.

Le futur défi auquel ces chercheurs devront se confronter sera de modéliser de façon plus réaliste les causes de changement de fonte en Antarctique, par exemple les vents, les marées, ou les rétroactions liées au changement de forme des terminaisons des glaciers. Il faudra aussi estimer la part de ces changements attribués aux émissions anthropiques.

Source :
Jourdain, N. C., Mathiot, P., Merino, N., Durand, G., Le Sommer, J., Dutrieux, P. and Madec, G. (2016). Ocean circulation and sea-ice thinning induced by melting ice shelves in the Amundsen Sea. J. Geophys. Res., in press.
http://dx.doi.org/10.1002/2016JC012509

Contact :
nicolas.jourdain univ-grenoble-alpes.fr

Voir aussi :
Projet TROIS AS : http://nicojourdain.github.io/projects_dir/trois_as